Film: Jagten - La chasse

Frederico () a dit:
Si on se souvient surtout de la charte Dogma pour ses contraintes techniques, on oublie parfois qu'un bon nombre de points traitaient d'éléments scénaristiques. Vinterberg, lui, s'en souvient peut-être. En tout cas, il livre dans un très bel écrin une histoire qui semble obstinément refuser l’emballement dramatique au point de paraître se jouer à fleuret moucheté. C'est un peu gênant ici, car le film et le... parafilmique (? - affiche, titre, etc) multiplient les fausses pistes dans lesquelles le scénario pourrait s'engager. Plus que d'admirer la retenue, on se sent donc un peu arnaqué...

Mads Mikkelsen est très bien, mais il est éclipsé par l'OFNI qu'est Thomas Bo Larsen dans le personnage de l'ami et voisin, improbable vieille cocotte avec une voix d'une tessiture extraordinairement basse.


Charles-Antoine () a dit:
Je rejoins Fred sur la beauté de la facture, ajoutée en ce qui me concerne à une direction d'acteur et des interprètes sidérants. Et on attend encore qu'un film suisse sache entretenir l'intérêt narratif d'une façon aussi alerte.

Spoiler alert: il n'en demeure pas moins que je suis encore complètement sous le choc de ce discours profondément répugnant, aux antipodes de celui de Festen (dans mon souvenir). Alors que ce dernier exacerbait une bourgeoisie gangrenée par un patriarcat brutal et autoritaire, Jagten procède à la victimisation d'un homme injustement accusé pour mieux célébrer in fine le pouvoir de la connivence masculine et les bienfaits du rite initiatique de la chasse désignée comme la pratique fédératrice de toutes les classes sociales sous l'autorité d'une haute bourgeoisie bienveillante (le parrain est d'ailleurs le seul ami fidèle à ne pas tomber dans la cécité collective). Et je parle pas de l'enfilade de personnages féminins dont aucun ne trouve grâce aux yeux du film (la petite fille rancunière et son trouble obsessionnel chronique, l'ex femme quasi autiste, la directrice d'école et ses adjointes insensibles et calomnieuses, la femme insupportable du meilleur copain, la petite amie déloyale...).


Laurent () a dit:
J'ai été déçu en bien comme on dit chez nous : pas d'insistance sur d'injustes turpitudes judiciaires (éprouvantes pour les nerfs!) pour mieux se concentrer sur l'échelle de la petite communauté.

En effet, tout cela se réduit à une histoire patriarcale (les rituels de passage, le soutien du fils et d'un ami, et l'improbable systématicité de l'infâmie féminine – bien résumé par Charles – la galerie finit par faire sourire tant la charge est insistante et orientée…) Fort heureusement, tout cela est remis en question à la fin, assez ambiguë quant à l'apparente réhabilitation du héros au sein de sa société (superbes séquences finales, on pense à James Gray).





Charles-Antoine () a dit:
Il est vrai que la dernière séquence est très belle et qu'on peut lui donner valeur de relance. Toutefois, en réfléchissant à la logique implacable du film, je serais maintenant plutôt enclin à lui donner valeur de leurre, c'est-à-dire le comble de la provocation dans le cadre du discours tenu par le film: l'homme dominant n'est pas seulement un être puissant, nourri par la solidarité de son réseau social, c'est aussi et toujours une victime en puissance, un être vulnérable avec la situation duquel il faut s'empresser de compatir.


Jean-Luc () a dit:
2,5