Compte-rendu du Black Movie à Genève, du 16 au 25 janvier: (18 films récents)![]() ![]() ![]() Over Your Dead Body Un bon cru de Miike, où les répétitions d'une pièce basée sur l'histoire du fantôme d'Iwa (Oiwa Kaidan no Borei / Yotsuya Kaidan) contamine les rapports entre les acteurs et les barrières narratives comme formelles tombent les une après les autres. Durant une heure on est véritablement dans le 4 étoiles, mais après Miike ne peut résister à l'appel du grand guignol, mais ce n'est pas un gâchis total car ça demeure assez fascinant, même dans ce ton. Fires on the Plain Shinya Tsukamoto revisite le roman déjà adapté par Kon Ichikawa et joue le rôle titre. Le style est différent, mais le récit demeure proche et donc toujours aussi terrible et atypique. Pour ceux qui n'ont jamais vu Nobi: c'est le parcours de plus en plus halluciné d'un soldat japonais affamé durant la retraite des forces impériales aux Philippines à la fin de la deuxième guerre mondiale. The World of Kanako Une sorte d'anti-polar frénétique où l'anti-héros s'avère ne pas être dans une quête de rédemption et où la victime s'avère être une femme fatale dans des proportions inimaginable. Électrisant dans son montage (surgissement fugace mais constant des flash-back, montage parallèle, sur-découpage de l'action) le film soufre toutefois de sautes de ton car le trash et la violence jouissive d'un Tom & Jerry gore glisse assez régulièrement dans le glauque (ce qu'évitait Why Don't You Play in Hell de Sion Sono). 10 Minutes Le truc classe de ce film coréen sur le monde du travail c'est qu'on s'attend, vu l'origine du film, que ça dégénère vite en une orgie de violence, mais pas du tout. Il faut attendre une heure pour que le personnage principal, un stagiaire dans une entreprise, soit victime d'un rebondissement rocambolesque (le CDI qui lui est promis lui passe sous le nez pour cause de piston et de politique interne). La gestion de ce rebondissement demeure sobre, mais j'ai l'impression que le film aurait été encore plus fort si il était resté sur la problématique qu'il travaillait déjà dans la première heure: un personnage qui doit faire le choix entre un travail stable, pas si désagréable et pas si mal rémunéré ou continuer à viser sa carrière de rêve (ici: devenir producteur pour la télévision, poste sujet à un examen au numerus clausus brutal). ![]() ![]() Alive Un working poor coréen tente de s'occuper de sa soeur et de sa nièce face à la veulerie du monde. Le film à un peu la main lourde et il y avait peut-être moyen que ça ne dure pas 3 heures, mais c'est quand même pas mal. Hill of Freedom Le Hong Sang Soo de l'année se construit cette fois sur un personnage qui lit le journal épistolaire d'un ami. Les lettres étant tombées et étant mélangées, le récit dans le récit se retrouve mélangé et lacunaire (ça ne joue malheureusement pas tellement sur la subjectivité du narrateur par contre). Un exercice léger avec une bonne dose de comédie basée sur les discutions oiseuses que peuvent avoir les gens quand tous sont forcés de parler dans une langue qu'ils ne maîtrisent pas bien (l'auteur des lettres est un japonais qui cherche une amie en Corée et donc 90% du film est en anglais). Güeros Prix du jury des jeunes. Deux frères ainsi que le pote et la copine de l'aîné se baladent dans Mexico City sur les traces d'un chanteur de folk mourant. Un peut foutraque, mais plein de fraîcheur le film maintient un certain capital de sympathie malgré un côté 'wuwuwu on fait du cinéma!' parfois un poil gênant (bouffées de film making dangereusement Guy-Richisantes ou incursions méta avec un acteur de caméo qui donne son avis sur le scénario du film où les personnages qui glosent sur le cinéma mexicain fait pour le circuit des festivals qui chient sur le Mexique avec l'argent des subventions publiques). Heureusement ses travers sont assez bien désamorcés par une certaine dose d'auto-dérison. Mamay Umeng Un vieillard vit la vie au ralenti et attend la mort. Le film va à son rythme, ce qui pour le coup fonctionne assez bien et donne même droit à une forme étrange de comique de la lenteur (Mamay part de la maison, il lui faut 45 secondes pour traverser la moitié du plan large, mais son petit fils court après lui et lui fait rebrousser chemin... 45 secondes de retour!). Hard Day Comédie criminelle coréenne. Un flic pourri shoot un gars le soir de la mise en bière de sa mère et de la descente des boeufs-carrottes dans son service. Et les choses ne vont pas aller en s'arrangeant. Le film semble à la base bien parti pour être un long crescendo de problèmes sur une nuit, mais en fait les choses se tassent pour repartir ensuite sur un jeu plus classique de chat et de souris entre lui et un témoin très très gênant. Pas ultime, mais bien réussi. The Tribe Un objet d'une grande singularité mais aussi totalement con. Je m'explique: le film suit un sourd-muet en ukraine qui rentre dans un internat pour sourds-muets et se retrouve rapidement happé par le réseau mafieux (vol, extorsion, prostitution) qui s'y niche. Il tombera amoureux d'une des prostituées et tentera de la faire sortir de se milieu. Le truc hallucinant du film, c'est qu'il est intégralement en langage des signes et délibérément sans sous-titres. Ce qui est assez merveilleux, c'est qu'il devait y avoir plusieurs dizaines de sourds dans la salle et ils comprenaient à peu près que dalle aussi, vu que la langue des signes en Ukraine n'est pas la même que la langue des signes internationale. En gros, le film aurait pu être en ukrainien sans sous-titre et ça aurait été pareille. J'imagine que l'idée du film en fait c'est de créer cette barrière artificielle de la langue et de raconter son histoire uniquement visuellement. Le problème, c'est que c'est super gimmicky et que le récit oscille entre passages ratés car incompréhensibles et raté car procédant par clichés atterrants. Par contre on a droit à plan-séquence classe sur plan-séquence classe sur plan-séquence classe et un engagement physique des acteurs assez impressionnant. Dommage que ça soit au service d'un scénario naze et d'une idée absurde. La commodidad en la distancia Un jeune semi-clochard semi-dealer qui se voudrait poète erre dans les rues de Santiago fait des rencontres, ment (ou pas?) et écrit. Le film, pas palpitant il est vrai, tient quand même pas mal sur le fait qu'il n'est pas tendre avec son personnage principal (il se fait particulièrement dégommer par une ex) et qu'il trouve une résolution assez forte et dur pour son apprenti bohémien qui c'est mis dans la posture inconfortable mais commode de tout mettre à distance. ![]() The Night Du proto-Dolan chinois, Prix de la critique. Je laisse donc Laurent en parler! Wild Flowers Les mésaventures de trois jeunes filles dans la marge de société coréennes qui se retrouvent victime d'un proxénète. Un plot mal ficelé qui vaut surtout pour le fait qu'un des principaux antagonistes et en fait le pendant masculin des filles. Ice Poison Dans la communauté chinoise de Birmanie un paysan en quête d'argent tombe dans la drogue. Sur le papier, c'est classe. Sur l'écran c'est d'un ennui terrible avec un plot tout moisi qui pour une approche 'documentaristique' fait preuve d'une surprenante méconnaissance de son sujet. Structure pas mal par contre: on ouvre sur une séquence de travail au champs et on ferme sur la même séquence faite n'importe comment car le personnage est sous l'emprise de la drogue suivit du prix de cette déchéance: la vache mise en gage passe à l'abattoir. Oups! Spoiler! ![]() Socialphobia Ça devrait être une sorte de thriller 2.0 sur des geeks qui s'unissent pour résoudre une affaire de meurtre, mais en fait ça raconte, mal, pratiquement l'inverse. Aurora Le combat d'un femme pour pouvoir adopter un enfant mort et ainsi lui offrir une sépulture décente. Le film ne marche pas du tout pour moi car la quête obsessionnel du personnage principal me passe totalement au-dessus de la tête. C'est ce qui arrive quand on est un cartésien au cœur de pierre j'imagine. Hotel/Transit Réveries et déambulations dans un hôtel. Se voudrait poétique. Est surtout chiant. ![]() Hard To Be A God Dernier film de feu Aleksei "Kroustatruc ma voiture" German. Adaptation d'un roman de SF où un groupe de scientifiques a infiltré la société médiévale d'une planète extraterrestre et cherche un moyen qu'une sorte de Renaissance ait lieu. Sur le papier c'est assez ultime et à l'écran c'est assez exceptionnel, dans le mauvais sens du terme. A la fois "exceptionnel" n'est peut-être pas le terme juste, vu que c'est dans la lignée d'un certain nombre de films venus de l'est qui semblent être d'interminables et incompréhensibles rêves enfiévrés. On pense à La Clepsydre ou à des Sokurov genre son récent Faust. Il y a des passages impressionnants, quelques bribes inéligibles qui sont bien, mais le tout est quand même bien résumé par le commentaire fait après les trois heures de projection par le gars assis devant moi dans la salle: "Quelle purge!" Addendum: On notera également une retro Wang Bing mais le seul truc récent était un court-métrage. Il faut quand même dire un mot sur Crude Oil par contre dont j'ai vu à peu près 4 des 14 heures. Un objet radical et étonnant qui redéfini totalement notre rapport au documentaire et au rythme cinématographique. Il ne s’agit plus de montrer la vie de ces foreurs dans le désert de Gobi, il s'agit d'être avec eux durant une journée type. Durant une heure je les ai vu regarder des DVD piratés dans un dortoir. Durant une heure, je les ai vu retirer des tubes d'un puits de forage. Durant une heure je les ai vu jouer aux cartes et se filer des gages. Durant une heure je les ai vu discuter de leurs salaires et de leurs primes. |