Film: The Great Gatsby

Robert () a dit:
Film de Baz vu en 3D...suis-je donc devenu fou ?


Charles-Antoine () a dit:
Mais non, bien cher Robert, tu n'est pas devenu fou, tu es simplement devenu folle!

J'y suis allé à reculons (démarche on ne peut plus appropriée en l'occurrence) hier soir et c'était tout simplement merveilleux: le film queer de l'année et sans doute le meilleur film sur le pouvoir destructeur de "l'idéal" hétéronormatif depuis bien longtemps.

Bien vu d'ailleurs d'avoir insisté sur le fait que cet idéal, qui est présenté comme une espèce d'horizon absolu et inatteignable, à la pointe de la berge, est aussi destructeur pour le couple qui l'incarne que pour l'homme mondialisé et foncièrement hybride qui y aspire, tout en en incarnant l'opposé polaire, que ce soit dans ses relations de classe (pauvre et fortuné à la fois), de race (il a frayé avec le dangereux indien et les Noirs), de genre (sa relation équivoque avec les hommes: son mentor marin, Nick bien sûr et tous les hommes qui n'ont de cesse de l'appeler au téléphone, etc.) ou sociale (la mixité de ses fêtes). Quelle bonne idée d'avoir pris DiCaprio pour interpréter ce personnage qui renvoie aussi bien au protagoniste d'Inception (avec son obsession de revivre le passé) qu'à celui d'Aviator (le grand magnat mondialisé).

Et bien sûr, bon usage du jeu sur les regards, notamment celui très marqué gay de Nick Carraway (the man who already liked to watch in college), relai tout en empathie de l'histoire de Gatsby, qui est lui perpétuellement pris entre son attirance inavouée pour Nick et celle absolue (au point d'en être improbable) pour Daisy. Et je passe sur l'exploitation appuyée de la symbolique du vert et des oeillets qui, du Magicien d'Oz à Batman Forever en passant par Matrix, signale toujours sinon l'homosexualité du moins un trouble dans la catégorisation des identités de genre. Et même l'incompétence éclatante du bien nommé "lourd-man" (toujours incapable d'un montage à peu près correct ou de maintenir le même plan pendant plus de 3 secondes) sert l'étrangeté irréductible dont le film fait l'apologie. C'est dire...


Frederico () a dit:
Vu en 2D, et pour le coup j'ai eu l'impression de perdre quelque chose. Quand il y a des grand mouvements d'appareil un peu bullshit, façon caméra oiseau, on sent bien que ça a été pensé pour la 3D, mais, plus gênant, il m'a fallu un moment pour m'habituer aux cadrages, particulièrement tous les plans sur les visages qui marchent peut-être en 3D (où la distance ressentie à un objet filmé n'est pas dépendant de sa taille), mais semblent trop serré en 2D.

Anyway... j'ai trouvé ça plutôt pas mal, mais in fine ça me laisse un drôle de goût dans la bouche. Le récit ne donne-t-il pas raison au représentant du old money? Gatsby prétend être son égal à cause de l'argent qu'il a amassé, mais non seulement cette fortune est présentée comme frauduleuse, mais en plus Gatsby demeure complexé par ses origines et sous les assauts de Buchanan (et de Fitzgerald) son masque se brise. C'est peut-être cette 'vérité' de la supériorité du sang des élites qui déprime Carraway (auquel on devrait s'identifier), mais c'est l'auteur qui en fait une vérité.


Charles-Antoine () a dit:
Je confirme que le 3D est, pour une fois, un vrai plus. Sans compter sur sa résonance au plan thématique avec le vertige du personnage.


Robert () a dit:
en effet, en voyant le film je me suis dit que c'était peut-être le premier film que je voyait qui avait été spécifiquement pensé en 3D