Mais non, bien cher Robert, tu n'est pas devenu fou, tu es simplement devenu folle!
J'y suis allé à reculons (démarche on ne peut plus appropriée en l'occurrence) hier soir et c'était tout simplement merveilleux: le film queer de l'année et sans doute le meilleur film sur le pouvoir destructeur de "l'idéal" hétéronormatif depuis bien longtemps.
Bien vu d'ailleurs d'avoir insisté sur le fait que cet idéal, qui est présenté comme une espèce d'horizon absolu et inatteignable, à la pointe de la berge, est aussi destructeur pour le couple qui l'incarne que pour l'homme mondialisé et foncièrement hybride qui y aspire, tout en en incarnant l'opposé polaire, que ce soit dans ses relations de classe (pauvre et fortuné à la fois), de race (il a frayé avec le dangereux indien et les Noirs), de genre (sa relation équivoque avec les hommes: son mentor marin, Nick bien sûr et tous les hommes qui n'ont de cesse de l'appeler au téléphone, etc.) ou sociale (la mixité de ses fêtes). Quelle bonne idée d'avoir pris DiCaprio pour interpréter ce personnage qui renvoie aussi bien au protagoniste d'Inception (avec son obsession de revivre le passé) qu'à celui d'Aviator (le grand magnat mondialisé).
Et bien sûr, bon usage du jeu sur les regards, notamment celui très marqué gay de Nick Carraway (the man who already liked to watch in college), relai tout en empathie de l'histoire de Gatsby, qui est lui perpétuellement pris entre son attirance inavouée pour Nick et celle absolue (au point d'en être improbable) pour Daisy. Et je passe sur l'exploitation appuyée de la symbolique du vert et des oeillets qui, du Magicien d'Oz à Batman Forever en passant par Matrix, signale toujours sinon l'homosexualité du moins un trouble dans la catégorisation des identités de genre. Et même l'incompétence éclatante du bien nommé "lourd-man" (toujours incapable d'un montage à peu près correct ou de maintenir le même plan pendant plus de 3 secondes) sert l'étrangeté irréductible dont le film fait l'apologie. C'est dire... |