Film: Silver Linings Playbook

Frederico () a dit:
Ce film est nominé pour huit Oscars.

1) Réalisation: Non. Si le film a clairement une facture supérieure à la moyenne des dramédies, notre ami Russell est régulièrement peu inspiré ou, à l'inverse, s'emporte dans des effets pompiers.

2) Film: Il ne faut pas déconner.

3) Meilleur Acteur: Bradley Cooper est plutôt bien dans le rôle du bi-polaire et il a un certain chien, mais on peine à comprendre la nomination.

4) Meilleur Acteur 2nd Rôle: Je n'ai jamais été un grand fan de De Niro et ces dernières années il cachetonne comme un sagouin en étant souvent très mauvais. Là, il n'est pas trop mal et se retrouve avec une nomination? Avec Waltz dans Django et PSH dans The Master en face, ça serait un sacré Hold-Up qu'il gagne.

5) Meilleure Actrice 2nd Rôle: Jacki Weaver avait déjà été nominée pour le même Oscar en 2011 pour sont rôle terrible dans Animal Kingdom et avait eu la malchance de tomber sur Melissa Leo dans la même catégorie. Ça sent l'Oscar de rattrapage car elle n'a pas grand chose à faire dans ce film.

6) Meilleur scénario d'adaptation: Je n'ai pas encore vu le Lincoln, mais entre Argogo, Life of Pipi et Beasts of the Southern Bazar, il pourrait gagner malgré un déroulement extraordinairement prévisible et sans génie.

7) Meilleur montage: En voyant les nominations avant le film, c'est l'Oscar qui m'avait semblé le plus incongru. Après, il me semble l'un des plus légitime. Si plusieurs séquences de danse ne sont guère inspirées, il y a pas mal de passages très nerveux où le montage serre les actions et donne une sacré énergie. On pense même à Scott Pilgrim (même si ce dernier poussait le bouchon encore plus loin en multipliant les effets d'incrustation et de transition et en mettant ce rythme au service de la comédie avec une extraordinaire efficacité).

8) Meilleure Actrice: Last but not Least, Jennifer Lawrence nous avait impressionné dans son rôle d'adolescente déterminée, engoncée par cinq couches d'habits, dans Winter's Bone (qui lui avait aussi valu la nomination en 2011 - l'Oscar allant à Portman) et ici, dans un registre très différent, elle tourne à plein régime en sans-gène énergique et volubile. Il faudrait en dire plus, mais je sens que ça serait gênant pour moi comme pour le lecteur.


Jusqu'ici, les jurys ne se sont pas trop trompés, car c'est Lawrence qui engrange les prix. Du coup, je pousse à trois étoiles pour elle.


Jean-Luc () a dit:
Une belle surprise et une vraie réussite. Cela pourrait être un feelgood movie de plus, je trouve que le film est toujours juste et confirme l'ampleur de david russel après the fighter. Et puis jennifer lawrence.


Laurent () a dit:
Mais quel film génial!
J'ai adoré, sens que je pourrais le voir et le revoir.

Déjà The Fighter m'avait transporté et là je n'arrive pas à me désenvoûter. A nouveau, probablement mieux encore, Russell célèbre la folie jusque-boutiste - au pas de charge, timing comique des dialogues sur filmage nerveux post-Dardenne, rigoureuse économie narrative subtilement distillée en petites touches répétitives, au fil des joggings, des séances de psy, des repas, des délires nocturnes de maboul, des rituels de fans à la maison – une folie rythmique qui finit par tout contaminer, les autres personnages, et jusqu'aux spectateurs! La logique s'inverse alors et les fous triomphent, forment LEUR famille (attention à ne pas rester à une lecture superficielle, et y voir un éloge de la normalité lorsque père et fils se retrouvent et le couple reçoit la bénédiction de la mère). Ici la famille comme le fandom sportifs sont explicitement des espaces de résistance freak au système, ne serait-ce que par leur éloge de l'irrationnel (voir ce que dit Adorno de la famille comme ultime rempart à l'ordre marchand en dépit de son enracinement bourgeois; ou Galeano de la culture sportive malgré le fait qu'elle soit l'expression de l'aliénation des corps aux codes du capitalisme tardif).

Un film absolument lumineux, à pleurer de joie. Au fond, le fait que le film parvienne à offrir une telle singularité expressive tout en respectant certains codes narratifs (je pense aux liens traumatiques qui se dénouent classiquement – ce qui n'est pas le cas d'un Master, par exemple, qui lui choisit l'ambiguité arty pour nous autres cinéphiles intellectuels) ne le rend que plus admirable.

Jennifer Lawrence n'est a priori – et de loin – pas mon genre (elle est trop bien trop poupine pour moi – qui verse plutôt dans l'anguleux blafard – du coup on peut se retrouver forcément sur du Kristen Stewart, mais moi je reste plutôt attaché au paradigme Kelly Reilly, vous voyez), et je trouve en principe son visage, pas assez mobile en ses parties constitutives, des plus inexpressifs.

Mais ô mon Dieu qu'est-ce qu'elle envoie dans ce film! J'en suis encore impressionné, un jour après.
Juste monstrueux. Cette fille est une bête, une vraie sale bête, une bête hallucinante, une bête sauvage qui s'est échappée de sa cage dont on ne pourra jamais se débarrasser et qui va venir tous nous dévorer!

Elle est instantanément entrée dans le panthéon des grands acteurs avec ce film. Je ne comprends toujours pas comment elle arrive à nous transmettre ces petits signaux, sans pourtant que les sourcils, les rides des joues, les yeux ne semblent vraiment bouger… J'ai l'impression que tout se joue dans des postures millimétrées de la tête (une inclinaison et paf on saisit qu'elle nous dit : "je boude", "je t'emmerde", ou "puisque tu le prends comme ça"). Ses montées en puissance (au Diner quand elle part en vampire; et évidemment sa grande scène de persuasion brainy rhétorique quand elle débarque dans la famille de Pat) sont des moments juste ul-ti-mes, classiques instantanés.

Je la vénère désormais à jamais pour ce qu'elle nous offre là, comme j'adore dès maintenant l'a priori fadasse Bradley Cooper qui m'a beaucoup touché, dans ce film, par sa capacité à avoir l'air aussi naïf que brutal.

Du coup quand j'apprends que David O' Russell est en train de tourner son prochain film, un thriller situé dans les années 70 et que l'on y retrouve les mêmes acteurs… je me dis que la vie vaut la peine d'être vécue.


PS Fred, tu me cites un "effet pompier", juste pour voir? Je n'ai été gêné que par le mauvais goût musical – mais crédible relativement au milieu des personnages – voir la scène du IPod) et heureusement sauvé par quelques fabuleuses percées du Dave Brubeck Quartet (ainsi Maria lors de la danse finale). Même les passages clipesques ne sont pas si mal – les portés foirés qui finissent hors champ, je sais je suis bon public, mais moi je me marre.

et il est vrai que je me suis farci Paperboy et du coup mon seuil de tolérance a forcément baissé niveau "effets pompiers" (pire stylistique filmique de tous les temps, et je pèse mes mots; à côté Tony Scott c'est du Raoul Ruiz).



Robert () a dit:
Difficile de faire suite à la dithyrambe de lolo mais le film me semble en effet très réussi dans son timing comique, dans son éloge de la folie douce qui le rapproche des premiers films des frères Farrely, ainsi que pour l'ensemble de son cast (au delà du couple principal assez génial, Tucker et De Niro sont par exemple assez drôles et touchants en en faisant peu ce qui est dire pour eux)

In fine ce qui est célébré n'est pas la famille au sens premier du terme mais une communauté recomposée autour d'une folie partagée et apprivoisée. En cela on comprend bien l'aspect thérapeutique que le film peut avoir sur les gens confrontés à celle-ci