Les films récents vu au NIFFF cette année. Cuvée moyenne: pas de chef-d’oeuvre et qu’une daube. Le haut du panier: Exhuma Film d’exorcisme sud coréen et le gros blockbuster domestique de l’année. C’est bien foutu, autant sur la représentation des rituels que dans la construction du récit qui par fausses pistes et rebondissement tient bien sa durée. On regrettera quand même que ça ne résiste pas au message anti-japonais omniprésent dans les films coréens qui touchent de près ou de loin au XXème siècle. Là on a quand même droit à une théorie particulièrement fumeuse que je n’éventerai pas car c’est un gros spoiler. Bursting Point Dante Lam pour un polar d’action HK avec un flic infiltré. Grande violence (Catégorie III !) et pessimisme, à peu près tout le monde trahissant tout le monde tout le temps. Breaking and Re-Entering Comédie taïwanaise de hold-up. Un groupe de casseurs engagé pour vider une bande réalise qu’ils sont des pions dans un complot et décident donc de remettre leur butin en place aux nez et à la barbe de tout le monde! Pas aussi drôle que certains autres produits du même genre (on pense par exemple au sud-coréen Extreme Job sur des flics en planque qui se retrouvent à gérer un fast-food), mais quand même très amusant par moment (une des meilleures scène de “gars qui se jette sur la trajectoire de la balle pour sauver quelqu’un” de l’histoire du cinéma!) Twilight of the Warriors: Walled In Lettre d’amour au Hong Kong de la fin des années 80 en général et de l’utopie qu’était alors la Kowloon Walled City (une ville dans la ville, empilement anarchique et labyrinthique de taudis qui avait la plus haute densité de population au monde avant sa destruction dans les années 90). Deux longues scènes d’action mêlant kung-fu, armes blanches et circulation acrobatique dans le dédale de la ville (souvent impressionnant dans la mise-en-scène et la chorégraphie), sont placée en début en fin de film, mais le gros du métrage et dédié au portrait de la fraternité et de l’entraide dans les dures conditions de vie offerte par cette cité interdite. You won’t be alone Une étrangeté macédonienne de 2022. C’est un film de sorcière, mais au croisement entre la sociologie et Terrence Malick! Je m’explique: la particularité de la sorcière macédonienne du XIXème siècle, c’est qu’à la façon d’un doppleganger elle peut prendre l’aspect des victimes desquelles elle s’approprie le coeur. Pour échapper à une sorcière, un bébé est caché par sa mère durant des années, mais la sorcière la retrouve quand même et en fait sa disciple. Cette enfant sauvage, adolescente mais pré-langagière, ne connais rien en dehors de sa grotte et du coup passe de corps en corps pour découvrir la société humaine. Tout ça avec une facture et une ruralité qui fait penser à A Hidden Life de Malick. Étonnant! Les curiosités Los Tonos Mayores Une ado argentine a une plaque en métal dans le bras suite à un accident et semble recevoir des messages par cet étrange biais. Mais que veulent-ils dire et qui les envoie? Jeu de piste et coming of age movie fait avec délicatesse. Pas mal mais pas bouleversant non plus. Fly Me To Saitama: From Biwa Lake With Love La suite d’une pantalonnade japonaise. Rappelons l’argument initial: l’histoire totalement fantaisiste de la rivalité ville-campagne entre la préfecture de Tokyo et sa voisine de Saitama. Pluie de clichés régionaux, de jeux de mots, d’outrance burlesque, de références culturelles et de meta-humour. Ce deuxième volet reprend les mêmes ingrédients mais se focalise sur Osaka et sa voisine Shiga (dont la plus grande partie de la surface est occupée par le lac Biwa). Peut-être par effet de répétition, j’ai trouvé cela moins drôle que l’épisode précédent, même si il y a toujours ça et là quelques gags qui parviennent à être à la fois bons et intelligibles (ce qui n’est vraiment pas donné, car il y a cette fois aussi un jeu sur les dialectes régionaux qu’il est bien difficile de saisir au vol). The Paragon Du vrai film fauché de Nouvelle Zéalande. Un gars dont la vie a déraillé après s’être fait shooter par une voiture décide de suivre une formation de medium pour retrouver le chauffard qui a ruiné son existence. Humour pince sans rire de rigueur pour un film qui prend un tour très fantastique, notre héros s’avérant puissant dans son nouvel art et devant soudain lutter contre d’autres forces mystiques. Ça semble être fait avec cinq potes et l’argent des commissions, mais ça ne marche pas trop mal! Handling the Undead Sorti à Lausanne donc a sa propre entrée dans le tableau des notes. She loved blossoms more Du semi-fauché grec. Dans les annèes 80, 3 frères dans un manoir décrépi travaillent à un projet occulto-scientifique: une batterie d'ordinateurs connectés à une armoire qui, potentiellement, devrait réussir à ouvrir un portail sur un autre monde dans lequel ils espèrent trouver leur mère morte? On s’envoie des piques pince-sans-rire, on reçoit des appels du père qui a lancé le projet et est en route entre Paris et Athène, un dès frère ramène une copine et un sac de drogue… tout part en délire fiévreux. Pour la faire courte, je dirais que le film est suffisamment drôle et étrange pour nous tenir une heure durant, mais il dure une heure et demie. Les trucs pas fous Longlegs Un film de tueur en série américain. Belle photo, de bon moments de tension, Nicolas Cage grimé qui cabotine à mort, warum nicht? Mais le scénario est très très mauvais. Le mangeur d’âme Un film de tueur en série français. Pas très inspiré formellement, les acteurs ont dû a priori se débrouiller tout seuls car on a connu Virgine Ledoyen (!) meilleure. Mais on se prend au jeu de l'enquête, même si l’intrigue est trop alambiquée et bancale pour son bien. The Cursed Land Film d’horreur thailandais. La particularité de cet objet est qu’il se déroule dans une petite région près de Bangkok à majorité musulmane. Voilà donc un ingénieur veuf et sa fille ado qui s’installent dans une demeure hantée, mais l’histoire, les codes sociaux et l'ésotérisme de la région les dépassent. Idée originale (et quelques trucs aussi sur le rapport à l’architecture, et quelques plans qu’on croit d’abord vide avant qu’on y distingue comme en filigrane les fantômes), mais qui rentre dans la case “film d’horreur pénible du sud-est asiatique” comme le vietnam, les philippines et surtout l’indonésie en commettent par dizaines chaque année. Things Will Be Different Du indie américain. Un frère et une sœur ont la planque idéale après un braquage: une demeure hors du temps. Le plan est de s’y réfugier quelques jours, mais les choses partent en sucette, donc il s’agit de comprendre les règles du lieu et du jeu pour pouvoir s’échapper. Le mystère du pourquoi du comment reste entier et du coup il y a un effet d’arbitraire et un récit qui peine à trouver de l'ampleure à cause de la petite mécanique qu’il a mis en place. Les comédiens sont bons, mais ils sont prisonniers d’un gag carambar. Isla Alien Le sujet de ce documentaire chilien farci de “reenactement” est tellement étrange qu’on croit au documenteur pendant longtemps. L’idée est que dans les années 80, plusieurs radioamateurs entrent en contact avec des personnes qui disent être une communauté d’extra terrestres vivant sur une petite île dans le sud du Chili (NB: il y a des centaines voir même des milliers d'îles à la pointe Sud du Chili). La balade prend un tour étrange quand on tourne autour d’un personnage disparu des plus fumeux, second rôle chez Raoul Ruiz, prétendument guéri de son cancer par les extra-terrestres, magouilleur dans les coulisses de la junte de Pinochet… la matière est vraiment extraordinaire, mais son organisation est confuse et soporifique. Peut-être à revoir et réévaluer. Titre international: Alien Island et c’est dispo sur Netflix. Toxic Daughter Drama-Thriller(?) japonais. Un père, sa fille recluse et sa nouvelle épouse s'installent dans une maison qu’aime visiter une ado du quartier à tendance psychopathe. Le film parvient à surprendre en entraînant son récit dans des directions inattendues, mais ça demeure laborieux. Jakt Dramédie noire suédoise. Un patron emmène son dauphin pour un week-end de chasse avec un ami un peu lourdingue. La testostérone et une pincée de fantastique font dérailler l’affaire: comme tout le gibier s'est envolé, on décide de se chasser les uns les autres. Belle exécution technique et bons acteurs, mais au service d’une série de clichés sur les beaufs, la masculinité et les grands capitalistes (on n’explicite jamais l’activité du patron et de son employé, mais ils ne respirent pas la PME en crise). C’est peut-être injuste, mais l’impression que ça donne est que la consigne “write what you know” (dont on peut débattre de la pertinence), n’a ici pas été respectée. Arcadia Du fantastique déprimé grec. Un couple vient visiter un air-bnb, il faut 10 minutes pour comprendre que madame est en fait un spectre qui suit monsieur dont le deuil n’est pas fait. Idée originale mais bancale (ne devrait-il pas y avoir des gens avec un troupeau derrière eux?), alors que le vivant enquête sur la fin de la morte, la spectre croise d’autres binômes en quête de résolution. Pas horrible, mais d’un ennui mortel et un peu bobet par moment (les spectres ne se souviennent que de ce que les vivants se souviennent d’eux, mais ils ont des flashbacks… en cas de coït… donc il y a quelques tristes orgies de spectres dans le bar Arcadia qui donne son titre au film pour faire avancer l’intrigue). La daube de la semaine Pig that survived foot-and-mouth disease Dessin animé sud-coréen. Une épidémie de fièvre aphteuse (foot-and-mouth disease en anglais) fait que l’armée est mobilisée pour faire des exécutions de masse des élevages de porcs et épandre des substances pour lutter contre l’épidémie. Une jeune recrue victime de brimade qui se dit qu’être un animal serait une vie plus reposante et un cochon qui échappe à sa fosse commune qui se dit que le salut passe par devenir un humain s’hybrident par la magie de la fiction: le premier devient un homme-sanglier, le second un porc-humanoïde. Suit une litanie répétitive de noirceur et de violence. Le porc-humanoïde devient le leader-gourou exalté d’un groupe de suidés sauvages qu’il veut entraîner vers l’humanité tout en finissant sa propre transformation. L’homme-sanglier devient le protecteur d’une ado venue dans les bois pour se pendre. Laid, idiot, pènible et interminable (1h44 en semblent 3). En plus il y a un Babiroussa en Corée du Sud alors que c’est endémique d’une poignée d’îles indonésiennes! Ridicule! |