Vu que le film sort en salle à Lausanne (de multiples séances à la Cinémathèque), je sors ma notule sur le film de la série sur le Black Movie 2024. Le nouveau Radu Jude est, comme son précédent, un film qui ne ressemble à rien et qui brasse presque trois heures durant un mélange de vitriol et de gaz hilarant. Dans une première partie, Angela, assistante sur un tournage d'un film d'entreprise sur le respect des normes de sécurité sillonne Bucarest pour rencontrer de potentiels intervenants (des ouvriers accidentés). Ce périple est émaillé d'extraits d'un film des années 80 (Angela poursuit sa route - film sur une conductrice de Taxi), créant contrastes et parallèles ainsi que des vidéos parodiques d'Angela sur tik-tok ou à l'aide d'un filtre boosté à l'AI elle prend le rôle d'un masculiniste outrancier (pléonasme?) - NB: je crois que ce style de tik-tok est une création de l'actrice qui précède le film? La deuxième partie est le tournage du film, un plan fixe (en fait deux, mais la coupe ne se cache pas) fait des tractations entre représentant du commanditaire, réalisateur, techniciens et l'ouvrier accidenté et sa famille. On oscille trois heures durant entre rire, gène et incrédulité! |
[La Main Noire copie ici la chronique de Laurent qui a vu le film en 2023] Le nouveau Radu Jude, dont je ne connais par ailleurs que le fameux Bad Luck Banging or Loony Porn. Si certaines parties de ce précédent film m'avaient fatigué, l'acuité avec laquelle il parvenait à cerner les pires logiques marchandes contemporaines offrait des passages inoubliables comme la déambulation mi-documentaire de l'héroïne dans un Bucarest défiguré. C'est précisément le cœur de ce nouveau film que de suivre le parcours d'une autre jeune femme, assistante énervée et épuisée d'une boîte de cinéma chargée de films publicitaires pour une multinationale (et autrice en parallèle de stories ordurières sur les réseaux sociaux, avec un masque numérique masculin) se déplaçant ici en voiture dans la capitale roumaine, allant trouver différents "témoins" (des travailleurs accidentés postulant à un concours pour apparaître dans un spot humiliant) Le film se base sur une structure en séries : l'histoire de l'assistante et ses longues virées en voiture, filmées en 16 mm noir et blanc alterne avec les stories crades au téléphone portable, les rencontres très humaines avec les "témoins" et… de longs extraits d'un ancien film des années Ceaucescu sur une taxi-woman! Si l'on tient là, déjà, un chef d'œuvre de transgression à l'énergie communicative (tant de séquences délirantes et explosives qu'il est impossible de les décrire; signalons notamment un passage avec Nina Hoss, l'actrice de Petzold et de Tar en déléguée chic de la multinationale…), Radu Jude en rajoute des couches en incluant un incroyable passage en revue de l'intégralité des tombes jalonnant une autoroute, sous la forme d'une suite de plan fixes (moment où la plupart des spectateurs – ceux du Reflets Médicis, c'est dire!!! – ont quitté la salle), puis un interminable plan-fixe décrivant in extenso le tournage de la publicité infamante. Bref, un film incontournable. Sorti à Paris en septembre 2023[...]. |
Ils sont fous ces Roumains ! (désolé, je devais la placer un jour...) Epuisement des êtres et des ressources, auxquel répond celui des scènes, notamment la dernière valant à elle seule tout l'or du monde, mais celles en voiture sont incroyables aussi. Angela, héroïne moderne à qui ne reste que l'énergie trash du désespoir dans une Europe en crise. Je dirais même plus: incommensurable. |