Très intrigant. Une sorte de Tim Burton infusé aux théories féministes et queer. Peut-être un peu longuet à certains moments. Et un usage du fish eye que je n’avais déjà pas compris dans La Favorite, et que je ne comprends toujours pas ici. Mais on s’attache à certains personnages, et la trame de type Bildungsroman fonctionne bien. |
Impossible de ne pas être subjugué par une telle débauche d'idées visuelles. A voir sans faute sur grand écran, tant le spectacle est proprement phénoménal. Les costumes et les décors renouvellent l'univers steampunk (passé de mode, pourtant, et qu'on croyait même à jamais ringardisé). Mais au-delà de cette réussite (une originalité esthétique indéniable), c'est surtout le ton résolument joyeux et transgressif adopté par ce film adapté du roman d'Alasdair Gray qui explique qu'il se soit rapidement imposé comme une référence pour toute une génération (du moins chez les étudiants, qui l'ont visiblement tous vu et adoré). Il y a en effet quelque chose de profondément exaltant dans ce Poor Things. La fille de Frankenstein magistralement campée par Emma Stone (dont je n'étais pas rendu compte à quel point elle était douée) nous entraîne, au fil de sa découverte de la sexualité sous toutes ses formes, et son émancipation du joug paternel (bienveillant lorsqu'il est scientifique), dans une succession d'épisodes foutraques, multipliant les outrances et les provocations. Le film culmine lors d'une fabuleuse séquence de danse sur un paquebot, avant de baisser un peu dans son intensité au fil de la progression intellectuelle de la petite bête cybernétique, si attachante en effet. Il faut aussi dire que le surgissement d'un Mark Ruffalo complètement libéré de tous ses rôles pesants et parvenant ici au comble de l'autodérision, avec ce rôle de mentor sexuel fat, ludion en roue libre (j'entends d'ici les éclats de rire et de bonheur de Robert…) apporte un contrepoint exceptionnel aux sorties génialement naïves de l'héroïne. Le principal problème que pose ce film tient surtout, dans sa dernière partie, à son inféodation trop marquée à l'idéologie techno-capitaliste dominante (caricature appuyée du patriarcat, que l'on punit cruellement à l'aide d'une bio-science dont la malfaisance potentielle, elle, n'est jamais pointée; progressisme gender et ethnique de pacotille…; lutte contre les inégalités sociales et économiques réduite à la charité et à une défense des droits des travailleuses du sexe…) Il faudrait peut-être soulever aussi le problème du découpage : si la photographie est impeccable, les mouvements d'appareils s'adaptant merveilleusement aux déambulations extraordinaires des protagonistes, les variations extrêmes d'objectifs au sein de mêmes séquences apparaissent certes comme singulières (l'atteinte aux principes du classicisme est flagrante, si l'on choisit un grand angle, on ne le fait en principe pas alterner avec une autre focale, à moins qu'il ne s'agisse de visualiser temporairement un point de vue bien défini) mais pas toujours justifiées. A vérifier. |
Emma Stone prodigieuse de bout en bout. |
2,5: nettement mieux que ce à quoi je m'attendais, mais moins bien que ce que l'on m'en avait dit. Je suis d'accord avec tout ce que vous dites, c'est assez formidable sur différents plans (interprétation, décors, facture, hormis l'usage du grand angulaire), mais effectivement trop long et le discours EDI (équité, diversité, inclusion) est incroyablement convenu, sans parler de l'absence de réflexion sur les technosciences. |
Partagé, car si je n'ai pris que peu de plaisir, rebuté par l'esthétique Caro-Jeunet de la "grande" époque et que ponctuellement amusé par certaines répliques, je réalise bien qu'on est face à quelque chose d'assez singulier et d'abouti dans son projet. |
Entré dans ce film un peu à reculons tant son esthétique avait à priori tout pour me déplaire. Ressorti ébloui par son outrance et sa beauté plastique tenue jusqu'au dernier plan du générique. Admiration éternelle à Stone pour avoir osé jouer ce rôle tellement impensable pour une actrice hollywoodienne de sa stature. Et Ruffalo...oui j'en pleure encore de bonheur. |