Film: Master Gardener

Laurent (VU) a dit:
Le nouveau Paul Schrader, dont j'attendais évidemment beaucoup après les deux chocs First Reformed et Card Counter… Tout est en place pour poursuivre sur la même ligne glaçante : une fois encore, un héros masculin à l'étrange sociabilité (un maître dans son domaine, à l'échange facile avec autrui, mais secret et solitaire) griffonnant méthodiquement son journal, seul reclus dans sa chambre; la découverte d'un univers social particulier (après les cartes, le… jardinage), sans parler d'un passé traumatique que l'on veut cacher mais qui remonte inexorablement à la surface, et, sur le plan formel, de ces cadres larges en courte focale, de ces décors "americana" stylisés, de cette musique synthétique plus parallèle qu'en phase avec les émotions, etc.

A l'exception de quelques séquences (surtout les dialogues avec Sigourney Weaver, dont une splendide scène de repas au salon puis de… chambre à coucher) et d'un sens indéniable de la caractérisation des personnages par leur apparence physique (Edgerton impressionne certes par sa démarche, ses regards, mais aussi par son port des costumes et des… tatouages, sources de singulières relations de pouvoir entre les corps "révélés" dans l'intimité…),

tout cela paraît dans l'ensemble un cran en-dessous des deux opus précédents et précités : sous-texte post-colonial surligné dans les dialogues, kitsch des scènes oniriques et de la romance (putain de chanson finale), fadeur des enjeux "polar", présence étouffante (par sa répétitivité au fond assez plate) de l'intertexte du Jardin qui donne lieu à d'innombrables tunnels sentencieux de la part du héros. Mais bon ça se laisse regarder, avec l'œil auteuriste.