Film: Suzume

Frederico () a dit:
Le nouveau Makoto Shinkai. Titre original : Suzume no Tojimari. Les verrouillages de Suzume? Un titre à double sens, car l'héroïne titulaire se retrouve à fermer des portes magiques, mais a également un traumatisme personnel qu'elle garde figurativement sous clé.

Le découpage et le montage sont absolument extraordinaires. La façon avec laquelle Shinkai nous fait ressentir les espaces, nous désoriente ou souligne des gestes est d'une rare maestria. Comme en plus la technique et la direction artistique sont au diapason, on a là un anime de très haute volée. La conjonction entre les décors peints et la spatialisation assistée par ordinateur atteint un niveau de perfection qui est presque synonyme d'invisibilité (par cela j'entends qu'au lieu d'être des plans conçus comme spectaculaires cela devient des plans anodins dont la plupart se fondent dans la masse car la barre du "normal" est devenu tellement haute).

La où je suis moins convaincu c'est sur le récit. Il y a des idées et thèmes qui sont intéressants comme la cause fantastique donnée aux catastrophes naturelles, l'intégration du tremblement de terre du Tohoku ou l'emploi des ruines contemporaines (le Japon a énormément de villages et infrastructures abandonnées), mais le coeur est une sort de mélange entre un road movie et une comming of age story qui est assez répétitif et qui peine à échapper ou détourner de façons intéressantes les poncifs des fictions pour ado japonaises (quand débarque l'animal mascotte, le moral en prend un coup). La galerie de personnages maintient tout de même l'intérêt et si le final d'action n'est pas fou, le climax émotionnel me fait presque aller jusqu'à 4 étoiles.

VAGUEMENT SPOILER: Il y a une belle idée poétique basée sur le langage, qui marche aussi en français mais a peut-être plus de poids en japonais. En français, quand on part de quelque part on dit "Au revoir", il y a une promesse là dedans, mais qui est encore plus forte en japonais où on dit "Ittekimasu", littéralement "je m'en vais puis je reviens". Après une catastrophe, combien de ces promesses ne peuvent être tenues? C'est ce poids dont il est question dans ce conte.



Robert () a dit:
Très abouti techniquement et formellement oui, mais film après film je remarque être plus touché par ce que fait Hosoda, l'autre réalisateur majeur de l'animation japonaise.

Le récit est quand même très répétitif et nettement moins passionnant que Your name et Les enfants du temps.


Frederico () a dit:
Si tu as vu Belle et Mirai, les deux derniers Hosoda (tous les deux sortis à Lausanne), n'hésite pas à les noter. Je dois avouer que Belle ne m'a pas fait forte impression et qu'en rattrapage j'avais commencé à regarder Mirai, mais, interrompu par d'autres choses, je ne l'ai jamais terminé.

Peut-être qu'on ne suit plus cette scène avec la même attention qu'alors, mais c'est vrai qu'il me semble qu'il y a un manque de réalisateurs de films d'animation japonais "auteurisé".

Satoshi Kon et Isao Takahata sont morts. Mamoru Oshii est perdu pour la cause depuis The Sky Crawlers en 2008. Hayao Miyazaki a un film qui devrait être son Madadayo qui sort dans un mois au Japon. Katsuhiro Otomo sensément a des projets en cours, mais ça fait 10 ans qu'il n'a plus rien sorti.

Dans les moins connus, Yoshiaki Kawajiri et Rintaro ont disparu de la circulation. Koji Morimoto n'est jamais passé au long métrage. Bien plus jeune, Hiroyuki Okiura est resté dans les starting blocks (un seul film après Jin-Roh). Shinichiro Watanabe est actif, mais pour la télévision, par pour le cinéma...

Les seconds couteaux de Ghibli (Hiromasa Yonebayashi, Goro Miyazaki), malgré de beaux films, ne se sont pas établis.

Outre Mamoru Hosoda et Makoto Shinkai, le seul auteur actif qui me vient à l'esprit c'est Masaaki Yuasa et son style très particulier (Mind Game, The Night Is Short Walk On Girl, Ride your Wave, Inu-Oh - j'ai grottinisé les trois derniers).