En vrac quelques notules sur les films vu au Black Movie en Janvier à Genève. Godland et Sous les figues, sortis au City Club Pully font l'objets d'entrées séparées dans le tableau des notes. Liquidons les trucs moisis : Farewell, My Hometown Essai documentaire chinois. Trois générations de femmes, longs plans vides avec voix over. Ma conclusion : toutes les histoires ne méritent pas d'être racontées. ZZZZZZZ.... Stone Turtle Groundhog Day d'horreur mâtiné de commentaire social. Le réalisateur malaisien était heureux d'avoir pu enfin faire un grand film personnel. Ça reste un nanar de fantôme aussi subtil qu'un monster truck. How Dare You Have Such a Rubbish Wish Essai documentaire iranien, sur les actrices, leurs rôles et leur corps dans le cinéma iranien d'avant la révolution islamique. Dit comme ça ça fait assez envie, mais malheureusement il y a un gros déficit de cinéphilie dans le procédé. On ne comprend pas ou mal les extraits qu'on voit, et pour homogénéiser la forme, la plupart des extraits sont passés à travers une moulinette de filtres qui fait qu'on a qu'une trace des objets. Je laisse les experts en gender studies s'exprimer, mais ça ne m'a pas semblé déployer un discours d'un grand intérêt. Parallel Slasher japonais fauché nul, romance entre un sérial killer cross-cosplayer et une jeune femme dont les parents qui l'abusaient ont été tué par un autre serial killer travesti.... Avec les films japonais, des programmes aussi débiles que celui-là peuvent déboucher sur des films magistraux, mais pas cette fois. On espère revoir l'actrice Momona Naraha dans un meilleur film par contre. Les trucs pas terribles mais un peu mieux : The Wind Will Say Film Sino-Mallay avec notre ami Lee Kang Sheng (la star des films de Tsai Ming Liang). Thriller neurasthénique et peut-être comédie noire? Entre le faux rythme et les faux-semblants on ne sait comment appréhender ni l’intrigue ni le ton de ce film. Un papa divorcé tente de mettre la main sur la valise contenant les diplômes de sa fille, la dite valise venant de s'être fait volée alors que le fille rentrait de ses études en Angleterre, avec un boyfriend en bonus. Assez rapidement, on réalise que pas grand chose est ce qu'on croit à la base. The Sales Girl Comming of age mongol. C'est pas commun de voir un film de Mongolie, encore moins un film urbain, autours d'un personnage de jeune femme. Une étudiante un peu coincée dépanne une amie en la remplaçant dans son job... vendeuse dans un sex shop. Une relation se tisse entre elle et la mystérieuse tenancière du magasin. C'est un peu à fleuret moucheté avec des éléments de comédie pas toujours très adroits, mais ça demeure un film assez attachant. Une réserve thématique au passage quand même, pas génial de vouloir faire un grand film féministe où l'héroïne abandonne des études d'ingénierie spatiale pour faire les beaux arts... Walk Up Hong Sang Soo épisode 872634. Un... je crois que c'est un réalisateur cette fois, mais ça pourrait être un romancier. Emmène sa fille rencontrer une amie qu'il n'a plus vu depuis longtemps, pour qu'elle conseille/engage la jeunette qui veut, comme l'amie, être décoratrice d'intérieur. La rencontre a lieu dans un petit immeuble que l'amie possède et, un peu à la façon de La Vie mode d'emploi, on va passer d'étage en étage, pour y retrouver le réalisateur dans différentes circonstances (c'est chaque fois lui, ou un lui possible, ou un lui à différents moments de sa vie, mais ces identités correspondent à la description qu'en a fait la propriétaire). On retrouve là le type de jeux narratifs auxquels Hong Sang Soo est habitué, mais à mon goût ça ne produit pas grand chose dans ce film là et on reste aussi un peu sur notre faim quand à l'exploration par la mise-en-scène de cet espace unique qu'est l'immeuble. Les trucs un peu mieux encore : The Novelist's Film Un autre Hong Sang Soo sortie en France sous le titre La Romancière, le Film et le Heureux Hasard. Dans un voyage loin de Séoul, une romancière fait une série de rencontres, fortuites ou non, avec d'anciennes connaissances et de nouvelles têtes, qui déboucheront sur un court métrage. Il y a quelque chose d'extrêmement rafraîchissant de voir ce programme familier se dérouler, mais en mettant les figures masculines du réalisateur et du poète dans la périphérie plutôt qu'au centre. Le charme opère pleinement. Très élégante résolution également. The House of Forgetfulness Essai documentaire iranien. Un étudiant à l'école des beaux arts de Téhéran est intrigué par un piano droit décrépit qui sert de siège et de porte-manteaux aux étudiants en théâtre. Il décide de faire un film sur ce piano, sans trop savoir où cela va le mener. On trouve d'autres piano, on plonge dans des archives, on interroge le rapport entre instruments occidentaux et révolution islamique, on tisse en parallèle une relation avec une étudiante en musique dont la curiosité a été également piquée... étonnant et plaisant. Love Life Drame japonais. Une famille déjà sous tension (les parents de messieur peinent à accepter son épouse, pour des raisons qui apparaissent au fil du récit), explose sous le choc d'un drame. Les retours d'anciens amours complexifient encore le vivre ensemble. Une harmonie pourra-elle être trouvée? Solidement fait et on part dans quelques tangentes inattendues. Le haut du panier : Children of the Mist Documentaire vietnamien au sein de la communauté hmong dans les montagnes du nord du pays (communauté dont on a pu voir l’immigration américaine dans Gran Torino). Un film étonnant autant dans son sujet que dans sa forme. Le sujet c’est les us et coutumes particulièrement archaïques de cette communauté pauvre et rurale et ses interactions avec certaines formes de modernité (la société vietnamienne via l’école public, les réseaux sociaux via les smartphones). La coutume au coeur du documentaire est l’enlèvement des femmes. Aux alentours du nouvel an (ou autre fête de ce type), les jeunes célibataires emmènent une jeune femme dans la maison familiale et voilà. Le lendemain, les familles des demoiselles reçoivent la visite de la famille des damoiseaux avec cigarette, alcool et nourriture pour arranger la dote... Tout cela est fait avec grande courtoisie, mais la violence symbolique, glisse vers la pression sociale puis la violence physique. Dans le cas qui concerne le film, monsieur a 15 ans et madame 14 et elle n’est pas tellement intéressée à se marier. C’est la planète Mars. Ce qui est intéressant dans la forme, c’est que la documentariste, Diem, ne s’extrait pas du sujet. Sur trois ans, elle rend visite à une jeune fille, Di, et sa famille. D’abord elle observe et intervient en voix over, mais petit à petit elle devient une étrange membre de la famille et parle depuis derrière la caméra. De la même façon, Di maîtrise son image et l’illusion de “l'oeil objectif” n’existe pas. Cela atteint son paroxysme quand Di appelle Diem à l’aide... Sidérant. Shari Essai documentaire japonais. La réalisatrice mêle journal personnel, rencontre avec des habitants d'une région isolée du Nord du Japon et inserts d'une sorte de Sur-Moi, monstre rouge qui hante la campagne. C'est d'une radicale originalité et d'une totale liberté. On notera que la réalisatrice est également danseuse et chorégraphe, ceci expliquant peut-être en partie cela. The Zen Diary Tranche de vie japonaise. Au fil des saisons, un romancier vieillissant qui vit dans une grande maison de campagne, cuisine les recettes qu'il a appris dans sa jeunesse de novice dans un monastère bouddhiste. On sait exactement ce qu'on va avoir, on l'a, et c'est parfait. Et le chef-d'oeuvre de la semaine : Trenque Lauquen Méli-mélo argentin. Parmi les meilleurs films de ces dernières décennies, il y a Historias Extraordinarias et La Flor, les films-mondes de Mariano Llinás. La productrice de ces magna opera, Laura Citarella, réalise un film dans la même veine, avec comme star et coscénariste Laura Paredes, une des actrices de La Flor. Résultat : Durant plus de quatre heures divisées en deux parties, on suit un amant et un ami sur les traces de Laura dans les alentours de la petite ville de Trenque Lauquen. Laura, elle-même cherchait une fleure, mais elle cherchait aussi à résoudre un mystère, à identifier une autre femme dont elle à trouvé la correspondance qui est comme un jeu de piste. Mais en cherchant quelqu'un on peut trouver quelqu'un d'autre, et en essayant de résoudre un mystère ancien, on peut tomber sur un mystère nouveau... La fiction toute puissante est à l'oeuvre. Moins fou, plus tenu que ces modèles, le résultat n'en est pas moins magistral. |