Je n'ai pas goûté la chose, mais c'est un objet intéressant. Il faut noter qu'une articulation clé du récit et la fin du film ont été changés par la censure chinoise, même pour la version visible en salle à Lausanne. Une alternative sans la bluette mièvre de Super Paysan et le drame artificiel : |
"artificiel", "bluette mièvre"???? Difficile de croire que nous ayons vu le même film. Mais c'est affaire de goût, en effet. De mon côté j'ai rarement autant éprouvé au cinéma un tel sentiment de vérité, d'authenticité, de justesse. Une clé, peut-être, pour essayer comprendre la possibilité d'un décalage aussi incommensurable entre deux points de vue se situe t-elle dans la référence au récit que traduisent les mots de "bluette " et de "drame", alors que ce qui m'a frappe, c'est avant tout la présence dans chacune des séquences, du moins celles où se confrontent les deux figures humaines principales, de gestes, d'attitudes, de regards profondément convaincants par eux-mêmes et magnifiés par les cadrages et les mouvements d'appareil (souvent éblouissants par leur rythme qui, contrairement aux maîtres chinois contemporains, ne cherche jamais l'excès emphatique – toute autre manière de viser le sublime). Oui, c'est cet incroyable entrelacs rythmique que parvient à édifier chaque séquence à partir de l'interaction le plus souvent mutique des deux êtres, les rites primitifs, exercés avec assurance, de l'un entrant constamment en tension avec le génie mimique de l'autre, convoqué pour traduire inquiétudes, hésitations, troubles par des chutes, des trajectoires asymétriques. Sans parler des quelques séquences nocturnes organisées autour de lumières mobiles. Et c'est de cet ensemble de notations – que j'ai trouvées poignantes pour ma part, car si proches à l'évidence de ce qui se joue dans la vie de couple – que s'édifie la structure d'ensemble et l'impression finale d'un récit bel et bien organique. Si l'on choisit d'observer ce film à l'aune d'exigences extérieures (la mécanique des événements, la virtuosité technique, ou d'autres approches encore), on risque forcément de passer à côté de ce qui en fait un sommet d'émotion et de construction formelle – au même titre que certains mélodrames de l'époque muette, me semble-t-il. |