Hit de festivals fantastiques l'an passé et sorti en France en juillet 2022, ce film taïwanais avait tout pour me déplaire : énième variation sur la prolifération de zombies tueurs dans une ville et, surtout, éclats assumés de gore (mais, vraiment, beaucoup, souvent, et super crade) tout comme de turpitudes en tout genre. A priori, donc, de l'horreur "fun" vide pour ricaneurs démontrant que la distanciation peut, dans certains cas, se révéler elle aussi la forme sinon de l'abrutissement, du moins d'un rapport paresseux à l'art et à la culture. Eh bien j'ai été surpris, en fin de compte, d'apprécier dans l'ensemble ce film. Rien ne dépasse complètement, certes, mais c'est rondement mené (sans pour autant jouer la carte de l'action brillante, chorégraphiée, façon Dernier Train pour Busan), glissant d'un espace infecté à un autre. Avant tout, le ton trouvé qui, tout en restant largement dans le paradigme du grand spectacle (et donc capable de satisfaire la pulsion facile du rieur "postmoderne" en nous), refuse les pénibles effets d'accompagnement (ainsi, jamais les images choc, abominables, ultra-dégoutantes, qui jalonnent régulièrement le film, ne sont-elles accompagnées de musique entraînante, par exemple; on reste sans cesse dans de l'ambient quasi Carpenter). L'idée, aussi, que les infectés simili-zombies demeurent doués de leurs facultés intellectuelles et apparaissent comme des hystériques sadiques, tourmentés par la perspective du viol, sourire permanent aux lèvres, apporte une vraie singularité dans un cadre pourtant très conventionnel. Quelques moments où copulent les êtres aux chairs meurtries et mutilées touchent à une esthétique grotesque rarement vue sur les écrans. Le beau titre pointe d'ailleurs ce champ des sentiments, entre tragique et mélancolie, qui est le sel des grands films de zombies (Romero à qui l'ultime plan du film, dans son hors champ sonore, fait d'ailleurs allusion). Un bémol, toutefois : la propension à fustiger en sous-texte le populisme, les anti-vax, etc. Mais c'est assez secondaire pour que cela ne gâche pas la vision en général plaisante (enfin, façon de parler, évitez absolument le plan "soirée plateau repas devant l'écran" – je parle d'expérience) d'un film qui démontre qu'à côté de la belle vague de films d'horreur et fantastiques d'auteurs (du jamais vu depuis une trentaine d'années au moins), le bon divertissement de "mauvais goût" a encore de l'avenir. |