Film: Bad Luck Banging or Loony Porn

Laurent (VU) a dit:
Titre original : Bad Babardeala cu bucluc sau porno balamuc

Film roumain, Ours d'or à Berlin, présenté à la Cinémathèque Suisse en novembre. De très bonnes choses au fil de trois parties séparées par des intertitres, dont la centrale consiste en un long abécédaire juxtaposant des images d'archives, tirées des réseaux sociaux pour produire une image d'une société consumériste-médiatique tout entièrement aliénée au fétichisme de la marchandise, sur un ton assumé de farce comique grotesque, que l'on retrouve dans les deux autres parties (I. l'héroïne déambulant de façon quasi documentaire dans un Bucarest en complète déliquescence, rivée à son téléphone (elle essaie de faire effacer du Net une vidéo porno qu'elle a tournée avec son amant); III. Le procès-débat qu'on lui fait subir dans l'école où elle travaille). Bref, super structure.
Les nombreuses saillies irrésistibles qui émaillent le film ne suffisent malheureusement pas à faire oublier les facilités du discours politique comme des options esthétiques (la calamiteuse et vaine conclusion qui rappelle ces films autoréflexifs asiatiques en roue libre, type Sono Sion). Dommage.


Frederico () a dit:
À un moment dans la première partie du film, la déambulation dans la ville, je me suis dit qu'il y a un tour de force à transformer des plans quasi documentaire en quelque chose qui ressemble à une satire. Il y a le choix des scénettes bien-sûr (et l'effet de réel est augmenté par le fait que Radu Jude garde au montage des prises que d'autres auraient jetées : actrice qui trébuche, passant qui interpelle le caméraman), il y a le cadrage qui va chercher des éléments, pour mettre en exergue, ici, une opposition, là, l'hypersexualisation des corps publicitaires, etc (et tout cela est peut-être même un peu scolaire), mais même dans des plan large a priori anodins, on est saisi par la démultiplication des marques et des slogans. Les rues de Lausanne ne sont pas différentes, donc je me suis dit "voilà une force du cinéma : quand on marche dans la rue, toutes ces textes ne sont que bruit de fond visuel, mais quand on regarde les images d'une caméra qui filme la rue, notre cerveau ne fait plus ce même travail de tri et la réalité et comme mise au jour" (quoi qu'on pourrait argumenter que la réalité est bel et bien qu'on s'accommode sans peine de toutes ces sollicitations vu qu'on les ignore).

Quand dans la deuxième partie, une accumulation de brèves réflexions présentées dans l'ordre alphabétique de leur sujet, Jude développe cette idée sous la rubrique "cinéma" en comparant la caméra au bouclier de Thésée (qui permet au héros de voir Méduse sans être pétrifié par sa laideur) l'effet est saisissant : On nous à fait sentir la théorie avant de l'énoncer. Me voilà donc contraint à mettre 4 étoiles, mais l'humour féroce du film et l'originalité de la structure les garantissaient déjà presque.

Un OFNI.