En enchaînant Crazy Heart, Out of the Furnace, Black Mass et Hostiles, Scott Cooper a dessiné ces dernières années une bien belle filmographie, associant le portrait désenchanté (comme on dit) de l'Amérique populaire à des formes génériques variées. Avec ce film d'horreur, dont le titre français – "Affamés" – pointe moins la figure monstrueuse elle-même (l'original renvoie aux "ramures") que l'une de ses propriétés, on retrouve les forces mais aussi les faiblesses des précédents films de Cooper, aussi attachants et puissants visuellement que fondés sur une dramaturgie conventionnelle. La photo, empreinte de brume et de grisaille, si elle ne renouvelle pas de fond en comble l'approche esthétique du genre ni la représentation de la petite ville minière américaine, frappe vraiment l'attention par sa stupéfiante beauté et précision. Faites tout pour voir le film en salle, ça en vaut vraiment la peine. Associé à la lenteur générale du tempo, à l'ambiance dépressive, à l'interprétation d'une Keri Russell sévère, osseuse, aux antipodes de tout glamour dans son rôle d'enseignante repérant et s'identifiant au traumatisme profond de l'un de ses élèves, ce travail sur l'image vaut le détour, fait oublier le caractère trop fataliste et programmatique de son récit horrifique (son monstre est une sorte d'homme-cerf emprunté à la mythologie amérindienne et qui vit reclus dans les couloirs des mines ayant justifié la colonisation de ces territoires montagneux, avant d'être abandonnées). Hostiles avait d'ailleurs commencé par une très impressionnante scène de suspense et d'horreur (l'attaque d'un néo-foyer de pionniers par des Indiens) et s'était achevé sur l'un des plus beaux plans finaux de l'histoire du cinéma avec ce saut effectué à la dernière seconde par Christian Bale dans un train en marche. Et c'est justement sur une gare désaffectée que démarre ce nouveau film. |