Film: Julie (en 12 chapitres) - The Worst Person in the World

Frederico () a dit:
2,5 ... L'actrice principale, Renate Reinsve - primée à Cannes, est selon les plans et les coupes de cheveux soit Anaïs Demoustier soit Rose Byrne. Je n'arrive pas à savoir si c'est un avantage ou un défaut car les modèles sont illustres et la performance au diapason, mais ça perturbe quand même la vision.

L'arnaque aussi c'est que si Julie est le personnage principal, que le titre français (et, a priori, l'international) la désigne et que le récit est mené de son point de vue dans sa quasi totalité (on pourrait même argumenter que le passage dédié à Eivind et Sunniva ne contient que des informations qu'Eivind a dites à Julie) on peut légitimement se poser la question si le véritable personnage principal n'est pas en fait Aksel (le toujours bouleversant Anders Danielsen Lie) qui est, assez lourdement, le double de Joachim Trier. Ou peut-être est-ce mon biais de spectateur qui me permet bien plus facilement de m'identifier à Aksel (ce qui risque d'être le cas de bien des Grottiniens!).

Sur la forme, le Trier norvégien demeure assez fort sur le montage qui le fait utiliser le bon rythme sur les bonnes choses (le prologue défile à la vitesse de Ivre de femmes et de peinture et plus loin le temps se ralenti pour une déambulation dans le crépuscule d'Oslo - avant de se suspendre littéralement pour une belle scène onirique). Sur l'écriture, il y a des choses un peu crispantes, comme la charge contre la bien-pensance (légitime mais un peu bobette dans ses formes - difficile aussi de savoir si les auteurs ont la distance nécessaire pour réaliser le paradoxe de leur Aksel rebel-bobo), mais aussi bien senties (la relation au père, le chapitre 12).

Un peu mieux que Thelma (2 généreuses étoiles) et Louder Than Bombs (2 étoiles), mais loin d'Oslo, 31 août et de Reprise (4 étoiles).


Charles-Antoine () a dit:
Je n'ai pas encore vu le film, mais je dois dire que le choix du titre en français en regard du titre original et de sa reprise en anglais sur le plan international laisse perplexe: l'exception à la française?!?

2,5: aurait figuré dans mon Top 20, sans doute à la place de Bad Boys for Life :-)


Jean-Luc () a dit:
2,5 aussi


Laurent (VU) a dit:
Assez d'accord, dans l'ensemble, avec Fred. L'impression de retrouver avec Aksel un double, dans un monde parallèle, du personnage d'Anders que l'acteur aussi prénommé Anders incarnait dix ans plus tôt dans Oslo 31, et que l'héroïne, quant à elle, reproduit dans le monde de 2020, au fil de préoccupations un peu plus "féminines" (maternité, notamment), le même profil autodestructeur d'Anders, avec au fond la même échappatoire dans la création artistique (faire de l'observation des autres le sens de sa vie – à cet égard, la fin est très réussie) comme seule possibilité de ne pas en finir, tout de suite.

Le problème de ce film réside certainement dans sa revendication d'une forme kaléidoscopique avec son chapitrage et son éclatement esthétique – on explore un peu toutes les formes possibles, là où, dans Oslo 31, le sens indéniable du rythme de ce cinéaste nous laissait interdit par sa cohérence, sa maîtrise des variations dans l'unité générale. D'où l'impression, en fin de compte, d'une œuvre très inégale, avec de très bons moments et d'autres plus faciles (pour moi, les champignons où l'on visualise l'état d'hallucination ; les jeux de voix off à la Truffaut; le dispositif à la Gondry où tout le monde se fige à l'exception de l'héroïne – séquence qui traduit bien, malgré son caractère un peu vain, l'idée centrale de Trier autour du sentiment de décalage complet de soi par rapport aux autres, dans un monde qui se virtualise et s'américanise – quelle horreur, cette ville ou plutôt ce quartier d'Oslo dont les rues ressemblent, semble-t-il, de plus en plus à celles de New York ou de Chicago – mais rien de spécifique, là : Séoul a le même problème).

Le projet de matérialiser la dispersion de Julie échoue, à mon sens, devant ce déploiement de procédés (pour certains "immersifs"; pour d'autres de distanciation) trop éloignés les uns des autres et qui, dès lors, nous laissent un sentiment d'incohérence et de superficialité malgré le charme incroyable de ses protagonistes.