Le limite du système Villeneuve c'est la monotonie : pas de moments légers pour contraster avec les heures graves, pas de calme avant la tempête. Serious time all the time. L'uniforme cérémonial doit être mis pour les cérémonies. Il en va de même pour pour la forme de cette monumentale adaptation. Après j'ai un rapport extrêmement subjectif au matériel car la version de Lynch est certainement le film que j'ai vu le plus de fois. Mon dernier visionnage datant du deuxième millénaire, j'ai passé la séance de ce nouveau Dune à tenter de me remémorer l'ancien. Un exercice de mélange temporel que ne renierai pas le Kwisatz Haderach mais qui a certainement peu de chose à voir avec l'expérience du spectateur lambda. En passant, j'ai trouvé surprenant comme on retrouve thématiquement dans ce Dune des éléments d'autres films de Villeneuve (Arrivals - le rapport au temps, Blade Runner 2049 - le Baron et le personnage de Jared Leto). |
En effet envie de rappeler à Villeneuve que "less is more parfois", et cette première partie pourrait vraiment se clore 20 min avant (après la scène de vision de la guerres de religions à venir par exemple), mais rien que pour l'ambition plastique qui renvoie les enfantillages de Lucas dans les limbes de la médiocrité qu'ils n'auraient jamais dus quitter... |
Bon il faut savoir que j'ai lu tout ça quand j'avais 12-13 ans (j'avais rien compris mais adoré) et que je suis dès lors très exigeant. Je reconnais aisément qu'il s'agit probablement là de l'adaptation la plus adéquate à servir cinématographiquement l'épopée romanesque, alors que le chef d'œuvre de Lynch avait tiré cela vers ses perversions à lui. Denis Villeneuve, c'est pour moi l'homme de la forme horrifique par excellence : il nous a pétrifiés par sa maîtrise de la transcription sur un écran (et haut-parleurs) de l'altérité potentiellement monstrueuse qui avance, lancinante, graduelle, qui prend son temps mais finira par surgir (cf. ses sommets Sicario et Arrival). Ici, après un inégal Blade Runner empêtré dans l'hommage post-M. et le délire masculiniste – assez savoureux et satisfaisant pour l'auteuriste qui sommeille en nous parce que reprenant le sujet de son extraordinaire Enemy pour l'inscrire dans un film encore plus tristement mais malgré tout formidablement tourmenté par la menace féministe, eh bien reconnaissons qu'il parvient à transmettre un peu de son talent à cette saga SF si belle, si puissante. Malgré tout cela, je me vois, la mort dans l'âme, obligé de dire que ce film arrive malheureusement trop tard. Oui, certes, le niveau est excellent, cela va sans dire. Oui, certes, on a l'impression de voir enfin un blockbuster supportable pour les plus de 18 ans. Mais malgré tout, à part quelques fulgurances (l'arrivée coloniale avec les bagpipes), il faut bien reconnaître que toute cette imagerie SF a déjà été vue et revue. Par ailleurs, le récit de Herbert colle si bien aux attentes de la Young Adult Literature SF avec son héros messianique adolescent et sa Chani (par ailleurs incarnée par une star de la pop ado) que ça en devient parfois gênant. Il aurait fallu quelque chose de moins sage, de plus dingue. Ce que Lynch avait fait par exemple. |