Film: France

Laurent (VU) a dit:
Si vous avez été touché par la France lyrique de Jeanne, par la manière dont ce film parvenait à engendrer l'émotion pure du verbe incarné, eh bien oubliez et préparez-vous à entrer en enfer, car ici la parole, c'est en gros de la merde. A tel point que seuls le silence et les yeux fermés (et – vaguement – l'épaule d'un être aimé) peuvent un instant engendrer l'espoir d'un lointain salut! C'est du moins le constat que porte Dumont dans ce film qui le voit poursuivre sur sa voie magistrale.


Robert () a dit:
Je ne sais pas si j'opposerais les deux films sur la question de la parole exactement comme toi, car dans Jeanne il y a aussi la violence de la parole de l'Eglise, transposée ici dans la parole médiatique, politique ou économique (la scène atroce du repas avec le discours du chef d'entreprise sur le don de soi interprété par le même acteur qui jouait l'évêque instigateur du procès de Jeanne) : ceux qui ont la parole et ceux qui ne l'ont pas, ou à qui on daigne la donner dans un rapport de domination inévitable.

Le film traine un peu en longueur sur la fin, mais la saisissante séquence finale - quand la parole ne fait plus sens il ne reste que la violence - le clos tristement.

Et Christophe pour les magnifiques partitions qui lient ces deux films. RIP


Laurent (VU) a dit:
Ah mais justement ce discours du capitaliste au repas m’est apparu comme totalement incohérent contrairement au discours articulé (fallacieuse rhétorique) des sachants médiévaux. Aujourd’hui même ceux qui “parlent bien” disent n’importe quoi. Mais je peux me tromper et au fond nous sommes d’accord : il y a bien opposition sur la forme que prend la parole, au sein même de chaque film.
La fin est aussi celle de la rédemption possible dans un film désespéré (l’amour, le silence, les yeux fermés, et juste avant les techniciens qui arrêtent leurs appareils et se bornent à contempler. Cette posture de spectateur qui est aussi celle de la toute fin (devant la violence, celle de la révolution radicale). Position plus qui se révèle plus digne mais pas plus engagée au fond. Marrant de voir comme ici Dumont emploie Seydoux comme l’avait fait Jacquot dans son dyptique historico-politique : la spectatrice finale d’un monde qui se transforme et voit advenir le règne supposé « du peuple ». Une figure de spectatrice qui est au fond celle du citoyen moyen.