Film: Ema - Ema y Gaston

Frederico () a dit:
Le nouveau Pablo Larrain a l'air spécialement conçu pour gagner au Grottino.



Jean-Luc () a dit:
[Commentaire à-propos, mais déplacé. - La Main Noire]

2,5 Le dernier film de Pablo Larrain. Je pousse à trois pour l'originalité du film, la cinégénie de Valparaiso et les scènes dansées.


Frederico () a dit:
Vu que Jean-Luc pousse à trois, je ne vais pas pousser à quatre, mais serait-ce vraiment pousser finalement ? Quelle virtuosité dans l'exposition ! Quel personnage ! Pour une actrice, cela doit quand même être un rôle terrorisant, car il faut convaincre dans les scènes dansées, mais aussi dans les scènes d'irrésistible séduction. Mariana di Girolamo y parvient avec une aisance presque surnaturelle. Serait-elle comme Ema la clef de voûte d'un collège de ménades ?

Si je dois avoir deux réserves, c'est que j'aurais voulu plus de danse, et que, si c'est fort d'avoir un personnage principal qui n'est de loin pas idéal, c'est dommage que personne dans le récit ne confronte Ema sur le paradoxe sous-jacent à sa démarche et qui, normalement, devrait la vouer à l'échec : elle tente de construire seule, un avenir commun.


PS: Le titre "Suisse", Ema y Gaston, est pour le moins étrange. Est-ce que c'est Trigon qui voulais tabler sur la popularité de Gael García Bernal ?


Laurent () a dit:
Pardonnez mon retard pour ces commentaires, pas trop eu le temps de les rédiger encore… pas vu énormément de choses en salles cela dit!

Sur Ema, j'y reviendrai, mais en effet Larrain frappe fort encore une fois, même si ce que propose ce nouveau film est a priori de nature déceptive pour les fans du cinéaste (l'ambition politique, par exemple, est moins explicite – quoique : la mythique scène avec la tirade enflammée de Garcia Bernal contre le reggaeton… et l'échange de regards sur le gyno-posse d'Ema fulminant… quelle séquence inoubliable!).

On pourrait aussi être embarrassé par un petit côté entre-soi modeux (mais bon les milieux de la danse contemporaine, que je côtoie régulièrement à la fac, c'est exactement ça : survêt Adidas, démarche féline, délire capillaire et haut parleur sur trolley…), par l'ambiance néo-Movida (le salon de coiffure, queer quasi Almodovar, revisité métrosexualité sous coke convenue des milieux culturels), voire même par le style postmoderne 90s (les couleurs flashy, les courtes focales, le narratif déconstruit avec images symboliques fortes – la fille au lance-flammes, par exemple)
mais toutes ces petites réserves éclatent quand on se laisse porter par l'étourdissant tempo "malickien" qui semble ne jamais vouloir se relâcher (ainsi l'ouverture interminable où alternent longtemps brèves scènes de dialogue enlevé, spectacle et répétitions, tout cela porté par la musique cadencée, elle-même partagée entre groove et pauses mélodieuses-planantes). J'avais par ailleurs bien choisi ma salle (la grande salle du Louxor, en fin d'après-midi, désertée par les cinéphiles, avec la sono à fond).

Le sujet et les débats qui traversent le film sont aussi des plus singuliers, fondés sur les paroles puissantes que profèrent les deux protagonistes, aussi violents que tourmentés, splendidement incarnés par les deux comédiens (Mariana di Girolamo borderline, irrésistible sourire de carnassière, exaltée malgré le trouble qui l'habite; Garcia Bernal veule et égocentrique adulescent en salopette). Le point de départ est tout de même unique : quel autre film démarre avec des personnages ayant décidé de rendre leur fils adoptif, gamin qu'on ne voit pas pendant l'essentiel du métrage, malgré les traces qui demeurent, et que l'on commente, de ses exactions.
Bref, chaque fois que j'y repense, le charme de ce film opère à nouveau et s'enracine plus profondément en moi. Viva Pablo!!!!