Film: Dark Waters

Laurent (VU) a dit:
Plus que de conspiracy movie, c'est bien du film d'horreur que tient ce dernier Todd Haynes. Un tempo dilaté, une description sans pathos, le sentiment d'une monstruosité rampante dont on s'approche peu à peu, au fil de ces plans en voiture ou aériens sur ces villes impersonnelles de l'Ohio baignant dans la lumière blafarde du Midwest, ces bleds perdus abandonnés aux pouvoirs arrogants des grandes industries, tandis que résonne une musique minimaliste lancinante et implacable, plus chargée de tristesse que de suspense.

Un récit volontairement sans relief et linéaire, sans surprise véritable ni péripéties haletantes, autre que le renforcement de l'effroi alors que s'accroît l'échelle du Mal, jusqu'à tous nous concerner. Ruffalo, sorte de mini-Brando pataud et éteint, avance imperturbablement en encaissant les coups, de plus en plus marqué mais sans jamais que cela ne se traduise en révolte héroïque avec coups d'éclats ou effets de manche. A l'image du film lui-même, en quelque sorte.

Même lorsque surgissent des figures savoureuses à la Eastwood (Bill Camp en plouc bien fâché; Bill Pullman en truculent avocat local au verbe haut), les cadres en scope seventies et longues focales, toujours en léger mouvement, conservent la plupart du temps leur éloignement et nous empêchent de "jouir du (petit) spectacle". C'est cette prise de distance, associée à l'état dépressif qui atteint toutes choses, qui assure une vraie force au film et l'empêche de sombrer dans les schémas héroïques pseudo-rédempteurs inhérents au genre.

Quelques scènes mémorables, tel ce très long montage alterné où le héros révèle le fond de l'histoire à plusieurs personnages; dialogue du couple dans la cuisine – plutôt le monologue de l'épouse incarnée par Anne Hathaway face à un Ruffalo plus Droopy que jamais.





Jean-Luc () a dit:
Back to the movies!!!
En accord avec l'analyse de Laurent.


Vincent () a dit:
2,5.
J'ai été saisi par le film au début, par son tempo, comme l'écrit Laurent, par le souci des cadrages, par les choix musicaux. On oscille perpétuellement entre étirement temporel et brusque fragmentation, ce qui restitue l'univers d'une procédure incertaine, dès lors qu'un "David" a décidé d'affronter un "Goliath". Et la composante politique du film est fascinante – tout autant qu'effrayante.

En revanche, il y a pour moi un (gros) bémol: adaptation du bouquin-écrit-par-le-protagoniste-héros-principal, le film a des relents hagiographiques qui posent problème. C'est principalement le cas dès lors qu'on représente la sphère privée de Bilot, où, au fur et à mesure que le film progresse, on sombre dans des moments caricaturalement mélodramatiques. A d'autres moments, ce sont aussi les tirades "éthiques" qui sont, elles aussi, peu convaincantes.