Une très belle surprise, étant donné les critiques (et les échos autour de moi) faisant souvent la fine bouche et état de leur déception vis-à-vis des attentes (le "dernier" Greta Gerwig). Oui, le film est indéniablement plus grand public, feelgood, fabriqué selon des standards éprouvés (photo, montage, musique symphonique lyrico-emphatique – le versant soupe de Desplat : tout ressortit du style hollywoodien classique revisité par Spielberg and Co). La trame d'Alcott n'étant pas des moins mélodramatiques, l'ensemble possède un léger côté tout-venant, certes sophistiqué, mais cousu de conventions. Mais voilà il y a la fabuleuse énergie des comédiennes qui nous transmettent leur plaisir régressif de jouer des gamines (surtout Saoirse Ronan, majestueusement délurée, et qui fonctionne visiblement, dans les micro-gestes comme dans les postures déclamatoires ou les déambulations déséquilibrées, comme le double idéal de la cinéaste-actrice – et, dans le rôle de la petite dernière pourrie-gâtée, une Florence Pugh (dont la montée en puissance, depuis peu, force l'admiration : Midsommar, Little Drummer Girl…), Pugh qui n'a pas peur de jouer de son physique potelé pour imposer une composition hilarante de bébé-boudeur et pleurnichard! Cette dimension du jeu est au fond ce qui porte le film et lui imprime un mouvement irrésistible, d'autant que les demoiselles sont entourées d'une troupe all-star : Meryl Streep, Chris Cooper (l'un des personnages les plus profondément émouvants de l'histoire), Laura Dern, Timothée Chalamet (toujours le même personnage, mais très en forme, contrairement au dernier Woody Allen : on retrouve l'histrion génial révélé chez Guadagnino) et… Louis Garrel, et même Tracy Letts dans le rôle de l'éditeur pince sans rire de Jo. La force des scènes n'est pas seulement le fait de ces prouesses exceptionnelles, mais bénéficie aussi d'excellents dialogues, qui trouvent leur force dans leur "féminisme" (autre reproche régulièrement asséné au film : le plaquage grossier d'un discours post-metoo), par exemple dans ce qui est dit de la dimension économique du mariage, à plusieurs reprises. Paradoxalement c'est la dimension la plus arty du film (son entrelacement des temporalités) qui m'est apparue comme le point le moins emballant, même si cette manière de procéder permet de ménager un peu de suspense et d'établir une certaine cohérence des thèmes abordés. Dernière chose : l'idée que le film lui-même soit le produit du roman écrit par Jo aboutit à un finale des plus puissants sur le geste artistique féminin. Rien que pour ça, le film mérite d'être applaudi. |