Le dernier Fatih Akin, qui suit les traces d'un affreux fait divers des années 1970, en Allemagne. Tout est vu depuis le point de vue du tueur en série, un médiocre prolétaire über trash qui se spécialise peu à peu dans le viol et l'assassinat de prostituées âgées et plutôt repoussantes, rencontrées dans un bar bien glauque du quartier mal famé de Sankt Pauli à Hambourg. Deux lieux reviennent continuellement au fil de séquences assez longues : ledit bar (le "Gant d'Or" du titre) et le petit appartement du tueur, où s'amoncellent non seulement la poussière et le désordre, mais aussi les membres découpés des victimes (dans un garde-manger à l'odeur de plus en plus éprouvante et qui finit par attirer l'attention). Bref, du sordide, en quantité phénoménale. Ajoutons à cela d'une part que le traitement est celui d'une reconstitution assez minutieuse de l'ambiance seventies (jusqu'à la fumée épaisse qui traîne alors dans les bars, et une hallucinante galerie de visages burinés, édentés, de propos orduriers, etc.), d'autre part que le mode caricatural est déployé jusqu'à l'épuisement. Ainsi en va-t-il dès la première séquence, éprouvante, où le héros en marcel, pour se motiver à scier en pièces la pauvre dame qu'il vient d'estourbir, se donne du courage avec un schnaps et un disque de variété sirupeuse (ballade teutonne variétoche emblématique de l'époque). Donc une énième tarantinade, passons? Eh bien non, j'ai été surpris par ma réaction : la présence de tous les éléments qui, d'ordinaire, me donnent l'envie de quitter la salle (ou d'arrêter le défilement du fichier), ne m'a ici pas du tout dérangé, a même soulevé un intérêt constant, voire un certain charme. Le grotesque appuyé, associé à la singulière composition des êtres et des espaces, m'est apparu comme assez original et, bien que régulièrement empreint d'une indéniable distance aux douteuses tonalités comiques, plutôt juste, humainement, quant à la misère absolue du personnage central, et du monde dans lequel il évolue. Outre le fait que jamais le film d'Akin ne s'abaisse à générer, comme Tarantino, de la rigolade autour de la torture – une limite personnelle – pourquoi cette impression d'un film digne alors que sur l'écran règnent l'outrance et la mascarade? Probablement le fait que, contrairement à du Tarantino, Akin ne cherche jamais à être ouvertement divertissant, de briller par sa maîtrise de l'attention, de la construction par paliers de la tension, d'amuser ses spectateurs avec des figurines empruntées à la dite "pop culture", etc. Il y a chez le Ricain une certaine qualité de facture, un sens commercial, une propreté de la marchandise qui restent complètement absents chez Fatih Akin, même si l'esthétique du film n'est pas dénuée, elle aussi, d'une certaine sophistication. |