Je ne sais pas trop quoi penser. C'est impressionnant de maîtrise dans la mise en scène, mais cette maestria est au service d'un truc assez bobet façon The Wicker Man. Je ne suis pas non plus sûr que ça avait besoin de durer deux heures et demi ! PS: Suis-je le seul a avoir été gêné tout le film par le fait que l'acteur qui joue le boyfriend ressemble vaguement a Seth Rogen sans être Seth Rogen ? Et que Florence Pugh qui fait la gueule ressemble à s'y méprendre à Amber Heard dans un film en 4/3 regardé en 16/9... |
Oui tu es le seul!!! Ou du moins, de mon côté, je n'ai pas du tout pensé à Seth Rogen, ni à Amber Heard. Si le mec, comme tous ceux qui jouent dans le film, sont assez ternes et stéréotypés (volontairement), Florence Pugh, malgré son visage de poupon boudeur, irradie au centre du film avec toute l'intensité dont elle est capable. Sur le film, par contre, je suis d'accord : tout ça pour ça, douche froide, etc. J'ai été littéralement envoûté par chaque plan, chaque idée visuelle (même si les longues prises avec reflets dans le miroir et les changements de point dans l'image reviennent un peu trop régulièrement) : un vrai sens du point de vue, de la durée, qui instaure magnifiquement un climat inquiétant, jouant en même temps de la fascination visuelle et de l'horreur. Sur grand écran ce doit être extraordinaire. Ce qui est fort, aussi, c'est que la maestria dont tu parles ne réside pas seulement dans ce traitement visuel à couper le souffle (par sa beauté, par son intelligence, par son inventivité), mais aussi dans le temps qu'il prend à distiller sa narration, et aussi par son attachement à la manière dont les interprètes se meuvent dans le cadre. Bref, un joyau au plan du rythme. Aucun problème avec les deux heures et demie, de mon côté. Non, comme tu le dis, le problème réside bel et bien dans l'incapacité crasse – quand interviennent les dévoilements et le grand finale, à se détacher d'une programmation scénaristique où l'esprit reste enfermé dans des schémas, puisque tout converge malheureusement vers une conclusion à la fois tristounette et grandiloquente, sans la transcendance, la folie que devait a priori impliquer toute cette minutieuse mise en place. Le pire étant le côté symbolique, la parabole : sur les rapports hommes-femmes, bien sûr. Ou, plus bas, le dépassement des traumas de l'héroïne. Avec jeux de pistes à la clé, qui nourriront les propos des youtubeurs adeptes du "Film Explained". Du méta et du culturel eux-mêmes chosifiés, puisque mis au service d'une simple mécanique. Il y a vraiment un pattern à l'œuvre depuis quelques années, Ari Aster (après Hérédité que ce nouveau film dépasse dans ses qualités comme dans ses problèmes) rejoignant donc S. Craig Zahler et les frères Sadfie dans l'étrange conjonction de la profonde virtuosité non pas seulement technique mais aussi artistique (avec un sens éblouissant de ce que appelait dans le passé "LE" cinéma : utiliser le temps, l'espace, les cadres, les gestes, etc.) mais pour servir un imaginaire à deux balles, d'une part par son verrouillage scénaristique qui nous fait peu à peu revenir dans la chambre de l'adolescent rêvassant sur ses bandes dessinées; d'autre part par leur complaisance envers la cruauté et le sadisme. Une complaisance honteuse puisque parée de beaux atours. Je préfère ô combien le cartoon débile du dernier Tarantino qui conclut son troublant voyage dans l'iconographie hollywoodienne par une partie de grosse déconnade fun. Il assume, au moins. |