Film: Udine 2019

Frederico (VU) a dit:
Je ne sais pas si ma liste va faire plaisir à Laurent (pratiquement pas de polars!), mais voilà une petite sélection des choses vues à Udine en 2019 (sur 50 longs métrages récents vus).

C'est sûrement truffé de fautes, je relirai à tête reposée dans un futur proche!

Le haut du panier:

Birthday
Tear-jerker coréen implacable d’efficacité sur le deuil (un ado noyé parmi tant d’autre dans le naufrage d’un ferry). Très élégant dans sa façon de faire arriver des éléments par la marge, déchirant dans sa façon de faire comprendre l'ampleure du drame au spectateur et on finit sur une scène de 20 minutes où on pleure sans discontinuer! Il faut plus que des mouchoirs: il faut aussi une bouteille d’eau pour ne pas risquer la déshydratation!

Default
Une sorte de thriller économique coréen sur une crise majeure survenue en 1997 (une bulle, basée sur des largesses en matière de crédit et un maintien artificiel du cours du won, se crève). La force du film, outre son didactisme, c’est d’avoir dans ses multiples personnages le gars en général absent de ce type d’histoire: le patron d’une PME, bien pris entre le marteau et l’enclume. On a aussi la galerie de grands capitalistes qui ont la primeur des informations, les fonctionnaires du ministère de l’économie qui voient la crise arriver et se heurtent au ballet politique, le wiz kid boursicoteur qui sait que remarquer quelque chose avant les autres peut être converti en une grosse pile d’argent et, cerise sur le gâteau, on a le négociateur du FMI (Vincent Cassel!), qui n’a de négociateur que le titre!

Three Husbands
Un Fruit Chan! C’est à la fois complètement bobet et assez génial. On y suit la trajectoire d’une femme à l'appétit sexuel insatiable et qui ne supporte pas d’être éloignée de l’eau. Ne serait-elle pas une sirène? La démultiplication des scènes et thème pour “choquer le bourgeois” (prostitution familiale, insertions de poissons, rapports en public ou devant un nouveau-né, orgie incestueuse, etc) peuvent rebuter, mais moi j’y ai plutôt vu un souffle libertaire comme dans certains pinku japonais des années septantes, une sorte d’affranchissement de toutes morales. Les milieux représentés (la marge) et la facture (granuleuse avec des expériences visuelles, ici sur la colorimétrie) y font également penser.

Fly Me to Saitama
Pantalonnade japonaise totale signée Hideki “Thermae Romae” Takeuchi. Le génie de Takeuchi est sans doute d’être capable d’outrance extrême en gardant l’apparence du premier degré. Il est question ici de la légende fondatrice (et bien-entendu fictive) du département de Saitama qui est, disons, pour Tokyo ce que le New Jersey est pour New York ou, du point de vue du bout du lac, ce que Vaud est pour Genève. Dans la légende, le merveilleux Tokyo prend les traits d’une mégapole futuriste siège d’une élite aux atours de la France du XVIIIème siècle, alors que Saitama est un no man’s land peuplé de manants en guenilles. Un prince de Saitama est envoyé en mission secrète à Tokyo pour préparer la révolution, mais sa mission sera-elle facilitée ou compliquée par le fait que le prince de Tokyo tombe amoureux de lui? Pour Charles, on notera que la romance gay est édulcorée par le fait que c’est la merveilleuse Fumi Nikaidô qui joue le rôle du prince tokyoïte! Comme dans toutes bonnes comédies, les canaux de l’humour sont démultipliés: running gags visuels (le prince qui se drape de sa cape toutes les 3 seconde), pluie de jeux de mots (gare à la saitamalaria!), jeux sur les stéréotypes, gags de montage, références à la pop culture, etc, etc. C’est un peu longuet, mais c’est souvent très très drôle. En tous cas je suis bon client!

Dying to Survive
Sorte de version chinoise de Dallas Buyers Club, avec un trafic de génériques venus d’Inde d’un médicament anti-cancéreux cher est non couvert par les assurances. Grosse différence: si le personnage de McConaughey était aussi un malade, le trafiquant est ici un margoulin en pleine santé qui, comme il se doit, aura fort à faire avec sa conscience. La représentation et le rôle de la police sont aussi particulièrement étonnants pour un film chinois, mais peut-être est-ce possible car c’est un film dont l’action est placées quelques années en arrière et que depuis, un carton final se hâte de la préciser, la législation a changé!

Un peu moins haut dans le panier:

Melancholic
Dramédie neurasthénique japonaise où un fort en thème asocial se fait engager dans des bains publiques pour pouvoir y rencontrer une ancienne camarade de classe. Le récit prend un tour inattendu quand SPOILER notre héros découvre que les bains servent de kill room pour les mafieux du coin!

Lying to Mom
Dramédie japonaise. Un jeune vivant reclu dans sa chambre se pend, sa mère le découvrant tombe dans le coma, à son réveil elle a oublié la mort de son fils et sa famille mi pleutres mi inquiets pour sa santé n’osent pas lui dire la vérité. Plus que sur le maintien du mensonge, le film est sur le père et la soeur tentant de créer, certe trop tard, des liens avec le mort.

Every day a good day
Chronique japonaise sur une adolescente (puis jeune femme, puis femme) apprenant la fort complexe cérémonie du thé auprès d’une spécialiste (Kirin Kiki dans un de ses dernier rôle). La double singularité du film c’est que la vie de l'héroïne hors des cours est à peine évoquée et que, persévérante et appliquée, elle ne s’avère pas particulièrement douée. C’est peut être là la substantifique moelle de ce film épuré: parfois on est médiocre et il faut s’en accommoder.

JK Rock
Dramédie musico-romantique japonaise sur la formation d’un groupe de “rock” (il faudrait plus de guillemets!) formé d’étudiantes. C’est efficace et enlevé, mais ça vaut surtout pour l’actrice principale, petite pseudo-punkette survitaminée qui ne correspond pas aux canons en matière de jeunes première de comédie romantique. Explication possible: le film n’est qu’un énorme produit dérivé pour le véritable groupe, du coup le formatage était impossible et tant mieux!

The Odd Family: Zombie on sale
Comédie coréenne de zombie. Une famille dysfonctionnelle de semi-escrocs qui gèrent péniblement une station service dans un bled de campagne “adopte” un zombie qui s’est égaré dans la région. Quelques bons gags de mise-en scène, mais surtout, entre le grand père margoulin, la mère enceinte jusqu’au dents qui porte la culotte, le père bon à rien et la fille un peu tendance Wednesday qui tombe amoureuse du zombie, le potentiel comique est important et le scénario le trait avec bonheur.

Only the cat knows
Comédie douce-amère japonaise sur une énergique vieille dame qui perd son chat alors que son mari, devenu froid et distant avec les années, perd, lui, sa tête. C’est fait avec beaucoup de simplicité et de légèreté et ça trouve le ton juste, cette petite musique, assez typique de ce genre de films japonais, mais si douce à nos oreilles.

Unstoppable
Le Lino Ventura coréen aka Ma Dong-seok aka Don “Train to Busan” Lee en ex-gangster poissonnier pas très malin mais très amoureux de sa femme. Un gang a la très mauvaise idée de la kidnapper et notre force de la nature favorite va donc tataner son chemin jusqu’à elle. Ça ne mange pas de pain, mais… Don Lee!

Extreme Job
Comédie policière coréenne qui a fait une énorme carton au box office. Une brigade anti-gang se retrouve, pour couvrir leur opération de surveillance, à gérer un restaurant de poulet frit… dur de faire plus mainstream, mais, là encore, l’efficacité coréenne brille. Le film tient son rythme et on se marre tout du long.



Les prix officiels du festival:

White Mullberry (prix du jury): Melancholic

Black Dragon (prix des cinéphiles / de la critique): Still Human (feel good movie de Hong Kong où une garde malade philippine s’occupe d’un Anthony Wong en chaise roulante).

1er prix du public: Still Human
2ème prix du public: Dying to Survive
3ème prix du public: Extreme Job

Prix MyMovie (voté sur un site web partenaire et le prix va invariablement à un film japonais adapté d’un manga): Fly Me to Saitama


Laurent (?) a dit:
Merci infiniment pour ce compte rendu passionnant (les sujets, très drôles pour la plupart, font déjà plus envie que la plupart des films qu'on peut voir en salle!) qui ouvre plusieurs pistes excitantes! Je suis intrigué par le tout dernier, notamment. Si on se marre vraiment, ce pourrait être la comédie asiatique qu'on attend depuis des lustres (et le mythique "Chicken And Duck Talk", pour rester dans la topique de la restauration).