Film: La Flor

Frederico () a dit:
J'ai pas encore vu, mais a priori je me mouille pas trop en mettant 4 étoiles.

Je signale donc que ce film fleuve va passer là maintenant (en Mars) au Spoutnik de Genève (en 4 parties) et au City Club Pully (en 3 parties). Le total dure un peu moins de 14 heures et c'est une sorte de meta-film hommage/pastiche avec 6 genres en un et le même quatuor d'actrices dans différents rôles dans les 6 histoires.

C'est fait par l'argentin Mariano Llinás, auteur d'un des meilleurs films du XXIème siècle: Historias Extraordinarias, déjà un meta-film mélangeant de multiples histoires mais ça dépassait à peine les 4 heures! NB: visible en entier avec sous-titres anglais sur youTube.


Jean-Luc (pas vu) a dit:
C'est vrai que ça l'air d'être la classe mais je sais déjà que je n'aurai pas le courage de me confronter en ce moment à une telle durée en salle. J'espère qu'il y aura une belle édition DVD.


Robert (pas vu) a dit:
La Flor, un film qui vous remue le bide, mais qui en n'est pas un...

je vais essayer d'y aller...


Laurent (pas vu) a dit:
A Paris, ça sort dans les salles mainstream (la solution 4 fois 3h30, quelque chose comme ça; j'aurais préféré soit plus d'épisodes – les 6 histoires? – ou alors deux longs après-midi – pas évident de caser ce genre de double tranche à 4 reprises). Sinon, j'ai vu la bande annonce ce matin, et ce n'est a priori pas des plus excitants (alignement à fond la caisse de mornes plans serrés évoquant des situations de "cinéma de genre" fauché). Mais ce doit être une manière de jouer la carte commerciale!


Frederico () a dit:
J'en suis à la moitié (2 séances qui on couvert les épisodes I, II, III partie 1 et III partie 2) et je suis un peu dubitatif.

Formellement et sur l’interprétation c'est souvent très limite, mais comme on est dans le pastiche on ne sait pas trop à quel degré prendre les choses. Je ne marche pas du tout dans l'épisode I, mais, structurellement, l’épisode II est par contre brillantissime (si on omet une sous-histoire un peu absurde), avec des personnages qui commentent leur légende, légende construite par les chansons de leur carrière musicale. La première partie de l'épisode 1 est aussi des plus suspecte, mais on y voit les prémices du retour de ce qui fait la force d'Historias Extraordinarias et la deuxième partie ouvre les vannes: l'omniprésence du narrateur en voix over au point que le son synchrone disparaît presque totalement.

Le procédé, extrême, est une source à la fois de légèreté par les possibilités comiques qu'il offre (par distance ironique, par contre-point, par meta-discours, etc) et de profondeur (par verbalisation de l'état psychologique des personnages, ce qui dans l’épisode II est fait par des séquences de confessions/introspections). On pourrait croire que c'est anti-cinématographique, mais pas du tout: quand la nuit tombe pendant que Dreyfus se perd dans ses pensées ou quand on guette sur le visage de Teresa la fêlure, le doute, la piqûre de la mouche tsé-tsé, ce n'est pas de la littérature.

Bref... le reste c'est pour le week-end prochain. Oh! J'oubliais presque: comme c'est distribué par Trigon, ça risque bien d'être dans les bacs avant longtemps pour ceux qui voudraient faire du rattrapage.


Frederico () a dit:
Et hop! Les deux derniers quarts sont vus! Samedi on a eu droit à la fin de l'épisode III et à la première partie de l'épisode IV, dimanche, la deuxième partie de l'épisode IV puis les épisodes V et VI... et les crédits de fin qui durent plus de 20 minutes je pense!

La fin de l'épisode III offre le même mélange que vu précédemment: une partie d'action extrêmement suspecte, mais de longues séquences de flash back avec narration qui déploient une fable, elle même support à un mélange des genres à un discours sur les codes narratifs.

L'épisode IV est le lieu de l'explosion meta-narrative. La première partie est le récit d'un tournage sans fin, devenu presque impossible, d'un film centré sur quatre actrices. Le ton principal est celui de la comédie (les pieds nickelés font du cinéma), mais, là aussi, on glisse périodiquement dans d'autres registres. Il y a notamment un moment extraordinaire où le réalisateur a une épiphanie qui soudain nous éclaire sur certains des choix vu dans les 10 heures qui précèdent. J'utilise souvent l'adjectif "vertigineux" pour parler de ce genre d'effets, mais là, pour le coup j'ai véritablement été pris d'une sensation de vertige, même si, rétrospectivement, l'éclairage n'est que très superficiel.

La deuxième partie de l'épisode IV va encore un pas plus loin dans le meta, vu qu'il s'agit d'un personnage tiers qui, confronté à un certain nombre d’artefacts lié au tournage, mène une enquête pour tenter de comprendre ce qui s'est passé.

On a quand même un peu le sentiment que, même si ce n'était peut-être pas l'idée originale, tout l'édifice est bâti pour ce quatrième épisode. Et ce n'est pas un bref épisode V sans grand intérêt (une sorte de remake en muet de "Partie de campagne") et un encore plus bref épisode VI (qui clôt l'affaire de façon élégante et cinéphile) qui nous enlèveront cette impression.


Comment noter un objet aussi hors normes? Aussi singulier? Sur les 14 heures, il doit y en avoir au moins 5 ou 6 qui sont, en isolation, totalement nazes, dont seuls des fans de pastiche de nanars peuvent goûter l'humour (d'ailleurs, dans l'épisode IV une des actrice morigène le réalisateur: "Nous n'avons plus le même humour!"). Mais ces creux ne participent-ils pas d'un ensemble fou qui ose tout? Si les bas sont abyssaux, n'y a-t-il pas aussi là-dedans de nombreuses heures fascinantes? Une jouissance ludique des puissances conjuguées du verbe et de l'image au service du conteur?

Bah... je laisse quatre étoiles, mais si je peux en mon âme et conscience recommander Historias Extraordinarias à toutes et tous, impossible d'en faire autant pour La Flor.