Un sentiment mitigé. Après une entame correcte qui pourrait presque nous émouvoir, où l'on retrouve un Bruce Willis qui grisonne bien aux côtés de l'acteur qui jouait son fils, dans Unbreakable, il y a 20 ans, le film prend un rythme de croisière qui s'enlise inexorablement dans la prétention habituelle des films de super-héros (pour aller vite, avec un débat à la X-Men sur le rôle social, historique de ces figures, en appuyant un peu plus que de coutume sur l'auto-référentialité propre au genre – du clin d'œil au fan, on passe ici à une supposée "réflexion" d'ordre psychologique). Durant cette partie du film, on ne sort de notre torpeur que pour les quelques numéros de McAvoy, toujours impressionnant, même s'il est ici (ouvertement) inscrit dans une logique mécanique qui frôle l'attraction foraine saisie en travellings (pseudo)continus scandés par des flashes lumineux. Et puis, après une heure environ, je dirais, le film démarre vraiment, en respectant (SPOILER MINEUR) la promesse de son titre, centré sur Mister Glass, et il est alors difficile de ne pas être séduit par le brio général (de l'allant marrant dans la réalisation du plan du Mastermind, avec tic-tac musical traversé de stridences Psycho). Les deux figures de Glass et de The Beast s'imposent d'ailleurs comme de formidables villains, plus "iconiques" que la plupart de ceux que Hollywood nous inflige depuis quelques années. La fin, sur laquelle je ne donnerai aucun détail, est plutôt intelligente, mais aussi un exemple de la pire idéologie hollywoodienne (à cet égard, Shyamalan retrouve la clarté politique, disons vite, droitière, de ses belles années) : sous couvert de critique du système (en fait rien de "critique" là-dedans, puisqu'on nous ressert la grande tradition américaine qui fustige tout ce qui est services secrets, pouvoirs centralisés), on avalise l'imaginaire de la culture de masse comme seul horizon "réel" (inversion fantasmagorique qui est, comme toujours, le comble de l'hypocrisie) – une soi-disant appropriation "culturelle" possible qui s'étend ici même (SPOILER SPOILER SPOILER) à la possibilité de retourner pour la bonne cause le dispositif de surveillance comme de recourir à la liberté d'expression offerte par les réseaux sociaux sur internet. L'inverse exact, au fond, d'une remise en question de l'aliénation technologique contemporaine. En gros, Shyamalan fait mine de déjouer les clichés du genre (et il faut admettre qu'il y parvient secondairement, par sa manière de filmer l'action, par exemple, avec des points de vue étonnants; ou encore par la façon dont il déçoit systématiquement les attentes narratives les plus schématiques qui rendent proprement insupportables les derniers blockbusters Marvel et autres), mais en réalité son objectif central réside dans une légitimation totale de ce qu'il prétend dénoncer. |
Peu de choses à rajouter à l'exhaustive analyse de Laurent si ce n'est que mon plaisir narratif a été encore moindre. Je suis d'accord sur le plaisir à retrouver Willis et d'ailleurs la 2e moitié du film qui se consacre au deux autres personnages m'a plus ennuyé. |
Plusieurs belles idées – un plan ici, une articulation de scénario là, une phrase musicale ailleurs. Mais c'est un film qui ne croit pas en ce qu'il construit, et c'est sacrément embêtant, car dès lors le spectateur n'y croit pas non plus. |
Revu dans l'avion – sur l'écran d'un voisin quelques places plus loin… Ben franchement, visuellement, ça tenait hyper bien la route. Une vraie singularité. |
Le problème d'avoir un personnage qui pendant les quatre cinquième du film nous assène un argumentaire particulièrement déficient, c'est que quand cette déficience est justifiée, cela ne gomme pas le temps passé à se demander, mal à l'aise, ce que Shyamalan essaie de faire. Une des pistes de lecture que l'on a durant cette phase vient du temps qui sépare Unbreakable de ce Glass : Il y a 20 ans, le film de super-héros était un sous-genre et du coup il y avait une élégance singulière dans le projet d'Unbreakable. Aujourd'hui, Glass sort dans un contexte où les films de super-héros sont une engeance qui phagocyte presque tout le cinéma d'action et à gros budget américain, du coup, faire un nouveau film discursif sur le genre pour dire "c'est fini ces conneries" aurait été assez amusant. Cela s'avère une fausse piste. Dommage peut-être. |