Un film vraiment étrange, volontairement discontinu (brèves séquences juxtaposées, se terminant souvent abruptement). La photo, signée David Ungaro, est envoûtante, surtout dans les scènes de jungle. Elle apporte beaucoup au côté crépusculaire et désespéré du film. Nous sommes juste après la 2e guerre mondiale, au Tonkin où les militaires Français rempilent aussitôt pour un nouveau conflit, la guerre d'Indochine. On nous raconte l'histoire d'un jeune soldat (Ulliel, plus famélique et émacié que jamais) ressorti traumatisé d'un charnier (première des diverses images d'abominations dont le film est émaillé) et qui, au lieu de rentrer au bercail, devient le plus fanatique d'entre tous, fer de lance d'une méthode consistant à retourner contre les adversaires leur politique de guérilla cruelle. Bien qu'il y ait de nombreuses scènes de combat dans la jungle (sans que l'on voit, la plupart du temps, les ennemis), le film adopte un ton un peu éteint, glauque et mélancolique, dans la tradition de Heart of Darkness. Plutôt bien, donc? Mouais. Difficile à porter un jugement. Par moments c'est puissant, prenant, à d'autres (scènes avec Depardieu en écrivain acculturé et relativiste; adoration par la caméra du corps d'éphèbe dépoitraillé d'Ulliel; histoire d'amour avec une putain locale…), on frôle le nanar par excès de posture (aisément perceptible lors de quelques outrances symboliques – plan leitmotiv d'un Ulliel assis au milieu d'un camp déserté, qui passe même au ralenti inversé; musique indie rock improvisée avec disto et batterie dont l'anachronisme avec les images ne produit pas d'autre effet que de signifier sa propre présence envahissante et décalée). |