Film: Bohemian Rhapsody

Laurent () a dit:
1,5 pour être exact.

Un biopic soupe et assez quelconque. Certes parfaitement réalisé, découpé, construit, rythmé, etc.; certes, la reconstitution, impeccable, est à l'image de tous les derniers biopics: maniaque, sur les looks, les expressions, la manière de parler, etc. MAIS ce film n'offre presque rien au-dessus de la moyenne avant son excellente séquence finale au Live Aid, où par ce tour de force (on enchaîne les morceaux) le film atteint enfin une forme de plénitude, bien en phase avec la musique entraînante des Queen qui retrouve sa vraie place, celle de la scène et, partant, du stade, avec sa temporalité et son énergie propres. Cette conclusion épique assume également plus pleinement son idéologie de l'entertainment feelgood (publics diégétiques, inconnus comme proches, communiant dans l'émotion et le rythme sur place et par la médiatisation des écrans de TV) qui masque à peine sa réalité "de masse" (limite Nuremberg par moments). Je préfère ça à la convention qui aura régné pendant presque tout le film, et qui nous assomme en s'évertuant – lors de quelques scènes-clés, surtout – à faire de nos fabricants de tubes hyper-sympa des artistes sans compromis face à la frilosité des producteurs (alors qu'il s'agit ici plutôt d'un degré d'"innovation" au sens industriel du terme) ou encore à fustiger les ignobles médias racoleurs (alors que sans ces fondations promotionnelles, le groupe ne serait rien). Les contradictions sont d'ailleurs tout le temps apparentes, nul besoin de développer ce point.

Que reste-t-il, donc, au-delà de la force du concert final (seul moment qui respecte – un tout petit peu – un programme spectaculaire rendant hommage à la scène, par ailleurs)?

La performance de l'acteur principal (le mec de Mr Robot)? Parfait au plan de la copie gestuelle, il nous convainc plutôt, au début, en arrogant minet échevelé, mais finit par lasser tout au long de ses atermoiements pathétiques dans la période eighties. Sa carrure de gringalet pose aussi problème par rapport au véritable Mercury, plus imposant physiquement, il me semble (EDIT: après vérification sur vidéo, pas tant que ça…). Sacha Baron Cohen – qui a quitté le projet pour "différences artistiques" avec la production (c'est-à-dire le guitariste du groupe, ce qui explique le côté inoffensif de l'ensemble: pas de cul, pas de coke…) – aurait probablement tiré le film du côté du grotesque et de l'hystérie, là on reste dans la mièvrerie standard (on peut d'ailleurs constater que c'est cette même complaisance réitérée dans la lamentation psychologique qui finit par foutre par terre Mr Robot…)

Seul élément qui m'a paru singulier: la volonté de développer une représentation vintage de l'homosexualité (comme dans la deuxième saison de la série American Crime Story, qui suit l'assassin de Versace), avec refoulement, amour éthéré pour l'épouse, Sida, méchant copain gay qui fait sombrer le héros dans un narcissisme fêtard et l'isole de ses amis tous respectables, aucune scène de sexe, rédemption finale avec un boy friend "meilleur ami" qu'on peut inviter à la maison, bref, le film est à contre-courant de toute la réflexion contemporaine sur l'"identité différente" et la fierté de l'assumer. Paradoxalement cette insistance sur une figure en souffrance tient, dans le contexte actuel, d'une certaine originalité.
A noter : la présence de quelques visages attachants dans les seconds rôles, le trop rare Aiden Gillen, deux scènes avec Mike Myers et, campant l'épouse, une sobre mais toujours remarquable Lucy Boynton (qui joue, sur un même mode – où la juste indignation reste contenue par une forme de résignation – la fille du prophète de village Michael Sheen dans Apostle)…




Frederico (pas vu) a dit:
Sacha Baron Cohen explique quand même en interview que les braves membres survivants de Queen voulaient que la mort de Mercury survienne au milieu du film, pour qu'ensuite on montre comment le groupe a survécu à cette perte...

Même l'auto-biopic du chanteur de pop singapourien Dick Lee vu a Udine cette année (Wonder Boy) est moins ripoliné et plus modeste que ce que May & co voulaient à la base.


Laurent () a dit:
Je viens de regarder la bande annonce de ce Wonder Boy. La reconstitution d'époque est séduisante… quant aux schémas narratifs apparents, il me semble qu'on y retrouve l'opposition au père (avant la réconciliation finale), et la compréhension de la maman… comme dans Bohemian Rhapsody (comme dans The Jazz Singer en 1927, aussi… permanences du genre!)