Film: Under the Silver Lake

Frederico () a dit:
Quelque part entre le film de femme qui disparaît, le néo-noir californien et le pastiche de ces genres, le tout teinté de réalisme magique issu du répertoire légendaire américain moderne au service d'un discours conspirationniste sur la pop culture... Un drôle de truc donc.

Le problème, c'est que sur presque tous ces éléments on a en tête d'autres expériences largement supérieures. On pense un peu à Brick, beaucoup à Inherent Vice et, dans un autre médium, au formidable Kentucky Route Zero.

Ça alterne le bien naze (pas aidé par un personnage principal de loser amorphe qui magiquement s'avère être un Don Juan qui s'ignore) et des trouvailles assez savoureuses... un drôle de truc, vraiment.


Jean-Luc () a dit:
Longuet et ennuyeux. Je trouve que le film peine à créer le moindre mystère, tout de suite court-circuité par un humour moyen et pas mal de désinvolture. On pense à plein de références, mais toujours au détriment de ce qu'on est en train de regarder. Le discours sur la culture populaire me paraît ni original, ni profond. Et on ne voit pas assez Riley Keough!


Laurent (VU) a dit:
Je commence par le plus important, de mon point de vue : la musique. Extraordinaire travail d'un type venant du jeu vidéo, qui avait déjà composé pour It Follows, du même réalisateur – dans un registre plus attendu, celui du répétitif synthétique revisité French-Touch néo-Carpenter, néo-Goblin, etc. – et qui nous stupéfie ici par la manière dont il transpose dans le contexte de l'orchestre symphonique des modes d'écriture basés sur le collage ou les jeux algorithmiques. Entre référentialité (score hollywoodien classique à la Hermann) et une belle affirmation sonore faisant succéder sans souci de continuité timbres éclatants, lyrisme poignant et dissonances "modernistes"…
Voir ce très bel entretien, sérieux et technique : https://blog.native-instruments.com/rich-vreeland-bridging-the-divide-between-games-and-film-score/
Un mec à suivre qui montre combien l'avenir de la musique de film orchestrale (je veux dire : avec des cordes, des vents, des percussions, etc.) se situe étonnamment moins du côté des héritiers des "grands maîtres" (type Giacchino) que chez des transfuges du rock ou de la musique électronique (Mica Levi, Johnny Greenwood…)

Cette musique sert bien le propos discontinu d'un film ancré dans le genre (si on peut dire) du néo-noir loufoque, et s'adapte bien, dans de nombreuses séquences, au niveau assez élevé de la mise en scène, du travail photographique (pas mal de bons moments d'observation, de filature, de déambulation).

Contrairement aux récentes incursions dans le genre, le film n'assume pas complètement la mélancolie poétique (Inherent Vice), ou le délire cosmique (Twin Peaks Returns), mais emprunte un terrain dont on a l'impression qu'il a déjà été bien arpenté il y a vingt ou trente ans. L'enquête, ici, ne cesse en effet de renvoyer à l'idée que la culture de masse, et ses images proliférantes, finissent par produire une perception alternative de la réalité. Ce cinéaste, il est vrai, semble travaillé par l'imaginaire "post-moderne" de ses aînés, en porte-à-faux avec les préoccupations plus politiques et réalistes d'aujourd'hui. Mais, comme il a largement convaincu avec son précédent film, It Follows, que je me risque à qualifier de "classique instantané", et qui partait lui aussi sur des bases conventionnelles, on pouvait espérer que quelque chose d'original et de neuf allait, une nouvelle fois, surgir de ces motifs vus et revus depuis des lustres (le héros immergé dans les références comics à la chambre tapissée d'affiches du cinéma classique hollywoodien, surtout "de genre"; téléviseurs diffusant inopinément des extraits de films "signifiants", comme chez Landis ou Dante dans leurs films des années 1980). Le réalisateur fait certes des efforts (en intégrant les motifs contemporains – en fait néo-seventies, on ne sort jamais de ces cycles culturels – du "complotisme", de la "réalité alternative", du mysticisme comme nouvel horizon transcendantal de la haute bourgeoisie, etc.), mais voilà le problème, pardonnez ma franchise, c'est qu'on se fait chier et que c'est souvent plat : pour un savoureux "songwriter" de l'ombre (l'une des figures de "maître du jeu" est un pianiste responsable de tous les hits pop/rock contemporains), combien de rencontres sans relief avec des starlettes sans âme dans le cadre de fêtes insipides (on se croirait dans les derniers Malick, ça doit renvoyer à la vie quotidienne dans l'industrie du cinéma).
Bref, l'impression d'une dépense inutile de talents et de moyens.

PS
Pour Charles : motif peut-être intéressant à creuser du rapport du jeune homme avec les femmes plus âgées (la voisine au perroquet, la mère qui le harcèle)…




Charles-Antoine () a dit:
Le confort, une nouvelle fois, d'arriver après tout le monde: tout a été dit, et plus même (merci Lolo). Oui, la fin est originale, notamment sur le plan générationnel, mais il faut l'affirmer encore haut et fort: que ce film est CHIANT!!!!!

Dans ce registre, j'en reste à The Nice Guys!