Je n'ai jamais beaucoup apprécié le cinéma de Christophe Honoré mais j'ai aimé ce film grave et léger, qui peut se voir comme le jumeau intime de 120 battements bpm. |
La partie "légère" fait en effet régulièrement mouche, avec de belles scènes très enlevées (filature burlesque dans les ruelles de Rennes; la plupart des scènes impliquant un grand Podalydès; plus généralement, tout ce qui joue du charme fourbe de l'acteur principal et des sourires en coin du singulier Lacoste). Et la partie "grave" n'est pas complètement antipathique (émouvante scène avec Marco dans la baignoire; puis – toujours en lien avec ce Marco – la crise de jalousie et le coup de sang signalant que le héros est encore profondément épris de celui pour lequel on pouvait alors imaginer qu'il ne ressentait plus qu'une forme de pitié ; et, évidemment, la fin très réussie, à la fois distante et poignante. Mais cette partie "grave" souffre malgré tout d'un usage trop conventionnel des musiques (le maître a été désormais dépassé par ses disciples, cf. Dolan! – l'abondance des reprises qui jalonnent le bitage ne parvient pas à cacher la misère de leurs emplois stéréotypés et, pardonnez-moi le jugement de valeur totalement personnel, le mauvais goût). Surtout, j'ai ressenti une terrible incapacité – comme dans 120 battements – à renouveler vraiment le rapport entre sexe et amour au-delà d'une adhésion dénuée de toute critique à une fantasmatique homo d'un autre âge : pénibles scènes de cul, complaisance à l'égard des catégories aliénantes qu'a pu produire cette communauté qui cultive la différence de surface alors qu'elle est une grande productrice de normes (cruelle conversation entre l'expert parisien et son émule provincial l'édifiant sur les types de mecs - en gros, le genre de motifs qui définissent la pornographie de l'âge numérique, bien en avance les mecs!). Bref, dès que l'auteur sort du texte et des acteurs où il impressionne assez, pour aller vers la poésie visuelle, l'exaltation des corps, de mon point de vue personnel Honoré – jadis si inspiré sur ce plan – n'y arrive plus. Mais il est vrai que mon Honoré de référence est presque exclusivement associé aux films avec le fils Garrel, ludion suprême emporté par les accélérés et les moments chantés! Certes, comme le Campillo auquel il offre – comme le dit justement Jean-Luc – un contrechamp plutôt passionnant, il s'agit d'un film de l'ordre du témoignage historique, qui évoque un imaginaire de jeunesse lui-même déjà situé "entre deux feux" (après les grandes années de la "culture" homo, alors en déliquescence mais avec encore quelques beaux restes avant la dilution dans l'individualisme que proclame la toute fin); certes le héros cultive précisément le fait de ne pas vouloir être aimé… donc les comportements conventionnels font aussi partie du portrait d'une époque, mais j'ai l'impression que Honoré reste avant tout intéressé par les éléments de vaudeville intello, qu'il maîtrise véritablement, et plus tellement par une esthétique audio-visuelle à laquelle, pourtant, il fait mine de rester attaché. |