Film: 12 Strong - Horse Soldiers

Frederico () a dit:
C'est un film qui n'apporte pas grand chose au grand corpus des films de guerre, que cela soit sur le récit (une collection de figures connues) ou sur l'action (filmée de façon quelconque - on sauvera peut-être une bataille finale où on charge alors que des salves d'orgue de Staline volent au-dessus des têtes). On ne s'ennuie pas trop, mais bon...

Le film a tout de même un intérêt certain, non pas comme objet cinématographique mais comme objet politique de représentation des guerres américaines récentes. Par ce prisme, le choix du sujet et son traitement sont assez fascinant. Ils ont non seulement réussi à trouver une opération en Afghanistan qui est un succès sans équivoque, mais en plus où les américains et leur alliés locaux sont présentés comme les underdogs héroïques, ce qui est un joli tour de force vu que leur job c'est de transmettre des coordonnées pour des frappes aériennes!

Après, ça couvre une page de l'histoire peu traitée: les premières troupes américaines en Afghanistan très rapidement après le 11 septembre qui vont assister des chefs de guerre locaux dans le nord du pays pour faire reculer talibans et Al-Qaida. Même si peu de temps est dévolu à l'analyse de la situation on comprend quand même bien la complexité et les enjeux. Mais bon, le film qui reste à faire c'est celui sur les mecs de la CIA qui ont débarqué encore avant avec une caisse pleine de dollars et la charge plutôt périlleuse de trouver des chefs de guerre à aider!


Laurent () a dit:
[Commentaire déplacé par la Main Noire]

Oops c'est le titre français!!!!! Oh mais ils font chier!

Sachez que El presidente est le titre français de La Cordillera
et que Pentagon papers est le titre français de The Post

Donc, là, Horse Soldiers est le titre français de 12 Strong: The Declassified True Story of the Horse Soldiers (oui j'ai copié collé).

Sinon, voilà. Ben j'ai vu ça pour le travail on va dire.
Quelle "représentation" de la guerre en Afghanistan?

On retrouve tous les lieux communs de la culture politique ricaine, en particulier l'éloge du terrain vs West point "déconnecté" des réalités, avec l'excellent acteur de Thor en émule militaire contemporain de Mister Smith!

Oui il y a Michael Pena à cheval.

Sinon plaisir de retrouver dans le rôle inénarrable du salopard en chef taliban l'excellent Numan Acar qui traîne sa gueule charismatique de turc allemand depuis quelques films, en idole (In the Fade) ou en énième villain caricatural (Homeland).


Laurent () a dit:
Excellent commentaire de Frederico (que je n'avais pas vu avant l'opération de la Main Noire) : amusant de voir, aussi, comme on se rabat l'un comme l'autre sur l'analyse des "représentations"…

Quand tu dis : "Ils ont non seulement réussi à trouver une opération en Afghanistan qui est un succès sans équivoque, mais en plus où les américains et leur alliés locaux sont présentés comme les underdogs héroïques",

c'est un vrai système puisque la culture politique américaine doit respecter, en dépit de sa propre histoire plus que bicentenaire, ses fondements ("on des résistants, venez, infâmes bateaux britanniques, on vous attend, nous les héros de notre indépendance et de notre liberté").

Le but est donc, comme tu dis bien, de trouver, dans des conflits où on va en gros tout bousiller et foutre le bordel, et surtout où on arrive en mode armada, de trouver un moyen d'apparaître comme des résistants oppressés, assiégés, en minorité, etc.

D'où l'idée de repenser aux Thermopyles dans le contexte du "clash des civilisations" associé aux guerres de Bush au Proche-Orient, une inversion perverse totale vis-à-vis du présent (300), ou de nous faire nous identifier aux affres du type embrigadé dans une coalition dont il réprouve les objectifs, et qui respecte la noblesse de l'adversaire assiégé (Brad Pitt jouant un Achille désabusé dans Troy), etc.

Et, plus près de nous et du sujet, le truc de Michael Bay sur l'ambassade attaquée de Benghazi l'an passé; et aussi l'hallucinant film de char avec encore Brad Pitt, Fury, où l'on reconfigure tout un moment de la fin de la Seconde guerre mondiale pour arriver à une situation de siège. Sauf que là on va très, très loin dans le bullshit puisque le char en question fait partie de la gigantesque armée alliée qui, en avril 1945, traverse une Allemagne au bord de la défaite. Donc non seulement les mecs se perdent dans un village paumé, mais ont le manque de chance de se retrouver complètement encerclés par l'une des tout dernières troupes qui ne ressemblent pas à des déserteurs faméliques, mais bien à des Mekanisch-Soldaten bien fanatiques et déshumanisés… N'importe quoi.


Je note que dans le cast de ce "12 Strong" auquel je reviens, il y a l'excellent Michael Shannon (en vieux de la vieille caution "terrain" du héros). Si cette présence, comme moi lors de ma décision d'aller voir ça, vous motive, eh bien n'y allez pas. On ne le voit pas beaucoup et son rôle n'est pas terrible…



Frederico () a dit:
Fury est en effet le prototype du film où les contorsions les plus invraisemblables ont lieu pour créer les conditions du récit de l'underdog triomphant. Mais même dans des objets a priori plus nuancés, comme Generation Kill (la mini serie co-écrite par David "The Wire" Simon pour HBO) on retrouve cette idée: les véhicules légers de l'unité de reconnaissance se retrouvant à faire des missions qui devraient normalement être effectuées par des blindés.

Après, ce type d'histoires existe-t-il parce qu'il est ancré dans l'inconscient américain? Parce qu'il y a une volonté propagandiste de la part des auteurs? Ou simplement est-ce la conséquence de canons narratifs qui font qu'un héros trop dominateur, sans adversité, sans crise, sans péril, sert plus difficilement un récit dans les normes actuelles (car, que les hellénistes le confirme, il me semble que les récits classique n'ont pas de problème avec les vrai héros)? J'aurais tendance à penser que c'est un peu des trois, dans des proportions qui varient de film en film.


Laurent () a dit:
Oui les trois, probablement.


Charles-Antoine () a dit:
Oui, en effet. Et le tour de force est effectivement d'avoir pu dégoter cette histoire dans la montagne d'histoires inavouables conduites au nom du 11 septembre.

Peut-être y a-t-il une manière synthétique de présenter les choses: c'est une production Jerry Bruckheimer, qui a notamment produit Top Gun, The Rock, Pearl Harbor et... Black Hawk Down!

Ici, ce n'est clairement pas Ridley Scott aux commandes, mais les soldats ont gagné les chevaux, puisque Black Hawk Down glorifiait le retour pédestre des soldats lâchés par les dysfonctionnements de leurs hélicoptères. En 17 ans, on est passé du pédestre à l'équestre.

Et le prochain film du père Jerry, je vous le donne en mille, c'est Top Gun: Maverick!