Film: Arrival

Charles-Antoine () a dit:
C'est plutôt bien, intéressant et bien foutu, mélo à souhait, mais le discours - comme souvent avec Villeneuve - est est assez pervers. Sans trop en dire, on nous livre une sorte d'éloge qui mixe rien moins que déterminisme et libre arbitre... le tout tout à partir d'un personnage féminin pétri d'essentialisme et de puissance d'agir. Curieux mélange.


Jean-Luc () a dit:
Incroyablement bulshitteux et soporifique! Une purge à éviter.


Robert () a dit:
liens évidents avec Interstellar sur la question de la communication et de la relativité temporelle

l'histoire du cinéma retiendra que les années 2010 nous auront donné les films de SF les plus ambitieux depuis sans doute un trentaine d'années


Frederico () a dit:
Si on regarde l'oeuvre de Denis Villeneuve, je pense qu'on peut légitimement lui reprocher d'être monotone. Dans les films de Villeneuve, l'heure est grave, ça ne rigole pas, c'est pas le moment de plaisanter. La photo est chiadée, le cadre posé solennellement, la caméra suit une trajectoire hiératique. L'heure est grave! A croire qu'il commence rituellement toutes ses journées de tournages en regardant The Sweet Hereafter. Après... si Villeneuve est monotone, son ton détonne par rapport à l'offre globale et ça fait plaisir de retrouver cette solennité même si on frise ici la boursouflure Nolanienne.

Le film, même si il opte pour une idée de science-fiction qui pousse loin le bullshit-o-mètre, a quand même la politesse d'éviter de nombreuses pistes qui auraient été grotesques et de faire retomber sur leurs pattes pas mal d'éléments qui en cours de vision semblent déplacés. On peut aussi regretter qu'un certain nombre de questions fondamentales soient évitées ou effleurées (que cela soit dans le processus initial où à l'aune des découvertes tardives) et le déséquilibre entre les deux personnages principaux, mais un moment magique de cinéma me force à pousser à trois étoiles minimum.

SPOILER ALERT Dans la séquence ante-finale où le couple discute, le futur mari balance une réplique dont on voit venir la punch line à trois kilomètre où, plus exactement, à trois secondes. Soudain, en tant (temps?) que spectateur, nous voilà dans la même posture que l'héroïne qui va passer sa vie à savoir à l'avance ce qu'on va lui dire. Plus fort encore, on constate la satisfaction que suscite cette prédictibilité alors qu'on pourrait craindre qu'une telle vie soit un calvaire. Après, ça ne résout pas le problème libre arbitre / déterminisme, mais à part Primer et ses multiples para-mondes, c'est un sujet rarement abordé dans ce type de récits.


Vincent () a dit:
Pour ce qui touche à cette circularité temporelle, j'y ai vu pour ma part une version 2.0 du mythe de l'éternel retour tel que décrit par Nietzsche – l'amour de la vie exige que, si l'on est amené à revivre tous les moments de son existence, bons comme mauvais, on dise un grand Oui à tout, sans hésiter, sans rechercher une issue différente. Vu ainsi, je trouve que c'est un discours qui a une certaine noblesse.

En revanche, le film est raté pour ce qui est de sa cohérence d'univers. Le linguiste que je suis a été notamment particulièrement déçu par ce qui est proposé autour du langage alien et de son déchiffrement. Si la démarche adoptée par Louise Banks correspond à ce que tout anthropologue ferait, ça devient n'importe quoi quand on nous expose les fondements de ce langage alien ou les effets possibles d'un apprentissage d'une langue autre que la sienne (Sapir et Whorf ont dû se retourner dans leur tombe).

En gros, le ratage provient du fait qu'on essaie de plaquer une "logique" scientifico-narrative dans un cadre qui aurait gagné à être travaillé de façon plus "poétique". Ce langage fait de sons profonds inspirés du chant des baleines aurait pu donner lieu à de grands moments symphoniques. Ces volutes d'encre évoquant les taches de Rorschach auraient pu être le support à des rêveries éveillées. La confusion temporelle dans laquelle Louise Banks se trouve peu à peu prise aurait pu faire émerger des séquences oniriques ou cauchemardesques – il n'y en a qu'une seule réellement, moment où je me suis dit que enfin le film prenait une direction intéressante... mais non. L'univers défiant les lois physiques à l'intérieur de la "capsule" aurait pu être l'occasion d'explorer la forme cinématique – ce qui se produit pendant dix minutes, avant que l'on retrouve toute la pesanteur newtonienne que l'on connaît...