Jeunet ne s'en rend certainement pas compte, mais il vient accoucher sinon de son meilleur film (aussi puant, détestable et simpliste soit-il aux plans discursif et esthétique, Amélie Poulain est résolument plus dynamique, harmonieux,…), du moins de son œuvre la plus (auto)réflexive : jamais, en effet, la «vision» étriquée, mécanique, pavlovienne, voire aliénée de l'individu qu'a Jeunet - constante de son œuvre amusante mais toujours en porte-à-faux avec ses intentions sentimentales et psychologiques de “gentil” - n'a été aussi bien formulée que dans cette histoire de ferrailleurs fabriquant des automates et de traumatisés de première catégorie portant le stigmate du métal dans leur chair. Sans parler de sa tendance citationnelle (pauvre vieux, il est vraiment resté croché sur l'esthétique eighties façon pub référentielle - ici les allusions au style Warner, à Bogart et Max Steiner sont proprement imbitables…), qui trouve un certain écho dans le matériel de récup' utilisé par le team de héros. Une fois que le nœud du récit est lancé (après une exposition poético-grimaçante à la Poulain qui repousse loin, très loin les limites de la niaiserie, de la superficialité et de la caricature), c'est-à-dire lorsque apparaissent les deux industriels rivaux (assez bien campés) et se déclenche la vengeance du héros, le film devient presque, par moments, un peu divertissant. Un seul élément d'exception, au fond : Julie Ferrier, phénoménale dans ses déplacements, ses contorsions, sa maîtrise de l'art mimique, elle apporte une vraie densité au film et parvient, parfois, à tirer vers le haut le pauvre Dany Boon, empêtré dans une relecture pseudo-chaplinienne assez malhabile. |