Film: Rapt

Charles-Antoine () a dit:
2.5: bon film qui aurait pu être éventuellement excellent film. Mais les "président", "président", "président", les deux passages au Fouquet's, la souffrance de Cécilia (euuuh Françoise), l'évocation de la campagne "j'ai changé", avec un portrait qui bascule trop du côté de l'empathie, tout cela est quand même trop sarkozyste à mon goût (même si c'est sans doute involontaire...)


Laurent () a dit:
C'est plutôt l'inverse: volontaire (dans l'allusion au Nouvel Ancien Régime) et anti-sarkozyste!

Le type a beau être (un peu) attachant, il finit tout de même par être destitué (à juste titre) par le système qui l'alimentait… En quoi cette trajectoire pathétique et fatale (le dernier plan qui dit “on finit toujours par payer”) du Président flambeur est-elle sarkozyste?





Charles-Antoine () a dit:
C'est ce que je voulais dire par "involontaire": le film essaie de faire l'anti-sarkozysme mais n'y parvient à mon avis pas vraiment, trop attaché qu'il est aux codes de la représentation attendrissante de la souffrance masculine. Mais c'est vraiment affaire de nuance, je le concède.

Pour moi, certes, le personnage d'Attal est montré comme un type plutôt cynique et ultra-individualiste, mais le film montre aussi que tout le monde autour de lui n'agit qu'en fonction de ses intérêts propres (l'avocat pour garder son boulot, la police dans l'intérêt de la défense d'une politique publique, son associé pour usurper sa place, les truands pour la rançon, la presse pour vendre du papier, le groupe pour perdurer, le juge, etc.). Dans ce contexte, seule la femme (toujours) assez remarquablement campée par Anne Consigny (dont on attend aussi qu'elle joue un jour autre chose que ce rôle) et ses filles semblent réellement se préoccuper du sort de l'homme, alors qu'elles sont broyées par la lutte de pouvoir qui se produit autour d'elles.

Ce qui manque au film, à mon sens, pour produire un discours d'une réelle portée critique, ce serait une mise en relation du comportement de tous ces personnages avides avec celui d'Attal: parvenir à montrer en somme qu'il est la norme individualiste à l'aune de laquelle toutes ces attitudes se déclinent. Or, ce n'est pas le cas, le film passant la plupart des séquences dévolues au "président" à souligner sa souffrance, son émasculation, son isolement, sa passivité, etc.

Et si la fin le charge d'un certain cynisme et cherche à indiquer que les vrais otages, c'était sa famille, elle affaiblit cette conclusion plutôt enthousiasmante par l'insistance qu'elle met ensuite rapidement sur le fait qu'une fois tout le monde libéré, lui, continue d'être otage, car il va devoir payer. Est-ce que ce ne serait pas plutôt le candeur embarrassante de cette promesse, comme tu dis, qu"on finit toujours par payer", qui pose problème, dans le sens où elle trahit l'empathie que le film peine à dissimuler pendant toute sa durée.

Pour moi, c'est un presque un cas d'école du film "liberal-humanist" américain, qui croit faire de la critique de gauche dans une dénonciation du système (comme tu dis, Nouvel Ancien Régime), en oubliant que la rhétorique de victimisation qu'il mobilise tend presque toujours corrélativement à humaniser son "bad guy".

Je comprends bien sûr ta lecture, mais trop d'éléments m'empêchent d'y adhérer au final. Le film n'aurait-il pas été plus convaincant s'il avait montré, au bout du compte, que le type en réchappe (comme Mitterdand (la théorie des cercles de fréquentation sociale), comme Chriac (les maîtresses), comme Sarkozy...), plutôt que de faire croire que les salauds ne s'en sortent au fond jamais. N'est-ce pas ça le discours sarkosyste par excellence: les paradis fiscal, c'est fini; on va moraliser le capitalisme; il n'y aura plus d'impunité dans les banlieues, etc.

Je suis évidemment curieux de connaître ton point de vue, peut-être live mardi prochain...


Laurent () a dit:
Bonne idée, de prendre pour centre identificatoire le salaud absolu de notre imaginaire contemporain: le grand industriel héritier panier percé…

Après Les Regrets et Partir, Attal s'impose donc comme le comédien masculin de l'année (trois rôles de type bourgeois prétentieux, d'ailleurs, étrange pour celui qui a commencé comme l'acteur fétiche de Rochant).