A chaque fois que je vois ce titre je pense à The Strokes: |
Quelle claque pour tous ceux qui, comme moi, ne savaient pas vraiment qui était Michael Jackson, que celui-ci, contrairement à une Madonna, existait bel et bien au-delà de son image et des sons frelatés des studios de production. Un corps traversé par l'élégance, merveilleux ludion fag à épaulettes, mi-Karl Lagerfeld, mi-Nijinsky, héritier immanquablement gracieux de Charlie Chaplin, de Frank Sinatra, de Fred Astaire, de James Brown… Même sur le mode de l'économie et de l'esquisse - l'homme est très en forme, mais ménage souvent sa voix, retient ses pas -, Jackson est tout simplement envoûtant, dès sa première apparition: vocalises expertes empreintes de subtilités bluesy, ponctuations mimiques du chant, postures affectées d'un autre âge, maîtrise de la tension et du repos, etc. Le choc est total. Autour de lui n'évoluent que d'excellents soldats de l'art et du spectacle : chorégraphes, danseurs, musiciens, son seul, son dernier public (extraordinaire de n'entendre, après chaque prestation d'exception, que quelques claps, façon local de répétition entre potes). L'homme déborde tout simplement de musicalité. Et ce film puissant, complètement centré sur son activité créatrice, le révèle. Merveilleux film qui reconstitue un spectacle (les 50 dates londoniennes) qui n'aura jamais lieu, à partir des maquettes, des images destinées aux écrans, des coulisses et, pour l'essentiel, des répétitions. Un anti-show qui donne finalement mieux et plus à voir et à entendre. D'un côté, quelle profondeur dans le rendu des performances gestuelles et vocales, ainsi que des sonorités (quelle surprise que de redécouvrir cette basse, cette batterie, cette guitare rythmique, d'ordinaire passées au filtre synthétique usiné; bref tous ces étourdissants grooves massifs qui subliment sans cesse leur mécanicité fondamentale!). De l'autre côté, le dévoilement de l'infrastructure, la captation basique des interprétations, imprime une distance constante vis-à-vis du show, que de très brèves incursions façon télé-réalité - le casting des danseurs - n'arrive heureusement jamais à recouvrir de mièvrerie narrative conventionnelle. Certes, la tension, presque continuellement relancée au fil d'impitoyables titres funk et de ballades renversantes (sans parler d'un magnifique Smooth Criminal où MJ croise Humphrey Bogart et Rita Hayworth), est un peu mise à mal, plus le film avance, par les dernières chansons du film (un Thriller qui chie à mort, mais s'avère trop souvent entrecoupé par de misérables extraits vidéo; les titres plus rock du répertoire comme Beat It ou Black or White, où notre héros apparaît, et c'est rare dans le métrage, sans grande imagination; un affreux clip Save The Forest du plus mauvais goût; enfin, le grand finale, un attendu Billie Jean mi-électrique, mi-sciatique, qui arrache son lot de larmes, mais sur le statut duquel je m'interroge encore - génial, pathétique, génialement pathétique?) |