Film: Transformers: Revenge of the Fallen

Charles-Antoine () a dit:
Un peu sur le coup de la déception, mais quand même: triste spectacle que livre ici Michael Bay avec ce Revenge of the Fallen, tant il accumule tous les clichés que la critique mainstream associe d'habitude, souvent à tort, au blockbuster: surenchère hideuse, gags foireux, incohérence narrative, discours plutôt répugnant... auxquels s'ajoutent des scènes bavardes interminables (le film dure 2h30!, et on pourrait envisager une Director's cut de 1h45), au point où même certains personnages semblent s'impatienter, un recyclage incroyablement peu créatif de toute la SF de 40 dernières années (2001, Alien, Species, Terminator, Star Wars, Planet of teh Apes, Matrix, etc.), deux comic sidekick à gifler, mais aussi des faux raccords, des raccourcis scénaristiques hallucinants et j'en passe.

Au milieu de ce foutoir complet frisant parfois la débilité subsiste une très belle scène d'affrontement dans la forêt et celle de l'arrivée des Decepticons. Mais cela et la présence de Megan Fox ne suffisent malheureusement pas à rattraper l'affaire et à dépasser une misérable étoile.

Sur le plan du rapport à la technologie, l'amateur y trouve toutefois son compte avec un discours ultra appuyé sur la crainte d'un homme fécondé par la machine (exactement comme dans le premier Matrix) et la nécessité, pour ce dernier, de se replacer à l'origine du monde et dans un rapport privilégié d'avec les Pères fondateurs...

Autre aspect singulier à signaler, celui de "l'inquiétante étrangeté" suscitée par l'animation spontanée des objets et de machines, leur propension à s'autonomiser qui renvoie au phénomène identique dans Night at the Museum 2 avec lequel ce Transformers partage un ancrage momentané dans le Smithsonian Musuem.


Laurent () a dit:
Dommage, il y avait dans ce film l'occasion de formuler non sans courage l'un des premiers actes de résistance à la présidence Obama, via le déplacement de toute cette saine jeunesse, flanquée de (tout aussi jeunes) militaires revanchards, et appuyée par un ancien apparachik paranoïaque bushiste reconverti dans la guérilla internet (Turturro reprend son personnage du premier opus), dans le contexte proche-oriental (toute la fin se déroule en Egypte, près des Grandes Pyramides). Mais cette perspective critique, qui hurle tout le désespoir de ceux qui voient désormais les Américains démanteler les acquis solides de la politique du surge implantée en Irak par Petraeus, n'est malheureusement pas assez poussée en avant…

Cette variante militariste est tout de même assez originale pour qu'on la souligne, nuance du traditionnel populisme anti-Etat que l'on retrouve ici campé par l'habituel crétin en costard et lunettes débarquant de Washington et faisant la leçon aux “hommes du terrain”. Ce personnage, il y a encore peu, aurait servi à fustiger l'interventionnisme forcené de Bush (ainsi le dernier Ridley Scott), mais ici on revient visiblement à la condamnation de la mollesse diplomatique des années Clinton - le crétin susmentionné déclare en effet qu'il préfère employer tous les “moyens diplomatiques” avant d'envoyer les troupes)…

Comme souvent avec Michael Bay, le film est très abouti : on y retrouve les traits caractéristiques de ce cinéaste qui demeure indubitablement le meilleur représentant d'un style néo-classique adapté aux normes de découpage et de tempo propres aux médias télévisuels et ludiques contemporains. En témoigne la dynamique complexe d'un montage travaillant sur l'enchaînements de plans constamment mobiles ou encore la luxueuse photographie en obsession chic sépia pisseux ensoleillé…

Rien à redire de ce point de vue là: les combats sont superbement agencés et développés, même si elles n'atteignent jamais la frénésie hallucinante, aux limites du visible, des interminables empoignades urbaines du film original. Les scènes de transformation sont également très impressionnantes, en dépit de leur enfermement dans un mode de représentation trop systématique (on tourne autour du véhicule, tandis que s'opère la mutation mécanique).

Des problèmes majeurs toutefois:

- l'humour, très présent dans le métrage, n'a jamais la verve et l'auto-dérision qui sauvaient, encore récemment, un Star Trek. Quel ennui insondable que d'assister, impuissant, aux incessantes et vaines gesticulations de ce pénible acteur post-adolescent et de ses partenaires surexcités, qu'ils soient de synthèse ou non. La maîtrise du comique, dans certaines séquences “à la Joe Dante” du premier film (la maison, le rapport aux parents, le robot qui s'exprime par références musicales ou filmiques) est ici redonné en mou, bâclé, sans conviction, quasi Jean-Marie Poiré.

- les enjeux dramatiques : comment se passionner, au-delà de 10 ans, pour cette histoire de robots géants qui parlent, qui peuvent se muer en trucks ou en jeeps… L'imaginaire n'est pas à la hauteur, recyclant des formules seventies-eighties (revisite superficielle du méca nippon et de Druillet, encore et toujours…; marre aussi de ces méchants Disney aux monstrueuses allures animales…) Les combats qui opposent ces bestioles en métal sont magnifiquement mis en scène, aucun doute là-dessus, mais lorsque ces gigantesques humanoïdes miment des figures d'arts martiaux, un étrange sentiment de ridicule prévaut… peut-être un décalage culturel que je ne suis plus à même d'appréhender (c'est d'ailleurs le sentiment général que laisse ce film…)

- j'ai fait l'éloge des effets spéciaux, mais tout de même: aucun renouvellement à l'horizon du mode de représentation canonique issu de Star Wars, avec ces effets éculés de sound designers sans imagination, tant pour la tessiture sonore ou le timbre des voix que des échos des mouvements massifs et métalliques.

- (surtout, par rapport à l'attente) Megan Fox, désormais présentée comme l'une des attractions majeures de ce spectacle mais malheureusement trop peu exhibée au final (au passage, dommage que le côté choral, éclaté du premier opus, n'ait pas été maintenu dans ce film, beaucoup trop centré sur les mésaventures du héros en énième victime pervertie, dans sa chair même, par l'excès de mécanicité scientifique et industrielle, Spiderman quoi!). Certes cette fille directement scannée depuis un magazine de charme masculin, retouches numériques comprises (elle ferait presque passer Angelina Jolie pour une beauté naturelle), nous touche par la manière dont elle nous fait percevoir la réalité du post-humain. Megan Fox actualise en effet à merveille, au sens le plus littéral, la notion de beauté «plastique» (jusqu'à la vibration de ses narines, tout en elle trahit la fabrique silicone). La représentation graduelle de sa relation à la machine est assez passionnante, passant progressivement de la métonymie bénine (lovée en motarde sur son engin, elle, la fille de mécano) à la reprise du pouvoir (une maîtresse vacharde tenant son robot dressé en laisse). Mais, au-delà de ces bonnes idées, le film, sommet d'agitation bébé, n'accorde que très peu d'intérêt à cette créature fascinante (au sens latin du terme, elle nous attire et nous révulse à la fois), avec sa découpe impeccable et son expressivité tout entièrement orientée autour d'un fantastique excès Rimmel poupée lippue Hingis, tellement outrancier qu'il en devient singulièrement attachant.










Frederico (?) a dit:
"Comme souvent avec Michael Bay, le film est très abouti : on y retrouve les traits caractéristiques de ce cinéaste qui demeure indubitablement le meilleur représentant d'un style néo-classique adapté aux normes de découpage et de tempo propres aux médias télévisuels et ludiques contemporains. En témoigne la dynamique complexe d'un montage travaillant sur l'enchaînements de plans constamment mobiles ou encore la luxueuse photographie en obsession chic sépia pisseux ensoleillé…"

Si on peut évoquer les jeux-vidéo pour la suite ininterrompue de scènes d'action, motivée par un piètre scénario-prétexte, pour le découpage et le montage, c'est proprement impossible. Les impératifs de lisibilité de l'action dans les jeux vidéo font que la représentation dominante est le plan large avec très peu de montage (en tout cas dans les phases interactives).

Il y a quelques rares exception à la règle, comme par exemple le récent Bourne Concpiracy où les combats au corps-à-corps sont représentés avec une caméra beaucoup plus proche des protagonistes, tentant ainsi d'évoquer la représentation cinématographique.


Laurent () a dit:
Ben oui, c'est la raison pour laquelle je parle aussi de «télévisuel» (les publicités, les jingles, les résumés en image, les vidéos musicales, etc.) Mais j'ai ajouté à cela le «ludique» vu que j'évoque non seulement le «découpage» mais aussi le «tempo»…

Maintenant, dans le jeu vidéo, pour le quasi-rien que je m'y connaisse, il y a ces animations (= allusion dans ton message à de potentielles phases non-interactives, right?), après les phases de jeu continu en plan large, qui remontrent l'action au ralenti, vue sous divers angles (sur le modèle du replay du sport TV) donc tout de même une forme de découpage entre différents plans, un effet qu'on trouve à mort dans les combats de Transformers.
Autre chose, il y a beaucoup de séquences où la frénésie est traduite non pas par le montage (au sens de changement de plan) mais par des plans en mouvement dans lesquelles s'opère une forme de montage (au sens d'une intervention image par image). Ainsi lorsque j'évoque la systématique:

«(on tourne autour du véhicule, tandis que s'opère la mutation mécanique).»

cette manière de vouloir maintenir absolument la continuité de la prise, du coup d'œ¡l spectatoriel, ça pourrait être un héritage partiel de certains types d'images qu'on pourrait trouver dans l'univers du «ludique»…

Sur le point suivant «la suite ininterrompue de scènes d'action, motivée par un piètre scénario-prétexte»

Ce n'est pas le cas de Transformers, cela dit… à l'exception de la première séquence d'action, complètement à la masse. En général, le tempo du film est celui d'un dessin animé pour enfants des années 1950 (avec beaucoup, beaucoup de bavardage!!!), avec deux-trois moments de combat au tempo ultra-rapide. Le premier film qui me vient à l'esprit, dans le genre qui puisse répondre à l'exigence d'une véritable volonté de se concentrer presque entièrement sur une suite d'action continue, c'est… le dernier Jason Bourne!

Il est vrai que, pour trouver un film qui s'inspirerait des jeux vidéos en termes visuels, on doit aller du côté des plans larges, continus, limite plans-tableaux du cinéma des premiers temps, dans certaines séquences du Seigneur des Anneaux et, surtout, dans la dernière trilogie Star Wars (nombre de scènes sont structurées en suites de plans d'ensemble où évoluent, non fragmentés, les personnages).


Vincent (?) a dit:
"Le premier film qui me vient à l'esprit, dans le genre qui puisse répondre à l'exigence d'une véritable volonté de se concentrer presque entièrement sur une suite d'action continue, c'est… le dernier Jason Bourne! "

Avec peut-être "Die Hard 4.0" ?