Poussif. |
Une belle réussite, même si, il est vrai, ce Drag me to Hell aurait pu être encore plus flamboyant! Le film opère une synthèse intéressante entre le cinéma d'horreur des débuts de Raimi et l'inspiration plus classique de ses films des années 1990 (surtout The Gift). On est en effet loin de la misogynie affichée de la trilogie arachnéenne, avec un film qui prend le contrepied de la thématique hitchockienne de la suridientification à la mère idéalisée et toute-puissante (The Birds, Rebecca, Psycho), pour traiter, sur un mode susceptible de susciter l'empathie, des difficultés de socialisation d'une femme sous le régime capitaliste patriarcale. Sans trop déflorer le suspens (tout est dans la bande-annonce), le défi lancé à l'héroïne est de parvenir à se désolidariser de la figure polymorphe de la mère avide et cuterreuse qui fait obstacle à ses aspirations d'ascension sociale, le film ramenant systématiquement cet enjeu au motif synecdotique de la bouche, site de l'avidité et de la gourmandise, lieu de la tentation orale et régressive par excellence, de l'impossibilité du contrôle du corps face à une société upper-middle class contradictoire, car à la fois consumériste et frugale... La scène finale de la tombe est dans ce registre jouissive, parfait résumé graphique de l'impossibilité d'échapper à une terre (marque d'un provincialisme agraire indécrottable) qui est à la fois mère avide et le liquide (marque d'un alcoolisme working class) qui dissout les frontières du corps. |
Après vingt ans de films souvent très réussis, mais assez impersonnels, que ce soit dans l'arty ou le bloque-bastère, Sam Raimi opère un beau retour aux sources stylistiques, qui nous rend nostalgique et nous fait du coup regretter que le cinéaste n'ait pas choisi d'emprunter plus souvent cette fabuleuse pente intime. On retrouve en effet dans ce film tous les paramètres qui avaient affirmé la singularité de Raimi avec Evil Dead II: délire cartoon anthropomorphisant, oscillation équilibrée entre comédie et grotesque, technicité rudimentaire (quels beaux effets spéciaux à base d'ombres et de câbles!) Certes, le film aurait pu être plus étincelant encore, mais réserve tout de même de beaux moments de spectacle (en gros, toutes les confrontations buccales avec la vieille ghoule goudou gypsy dégoulinante - le parking souterrain, la tombe). A part ça, intéressante mise en parabole autour de la désagrégation du tissu social (le fossé se creuse entre la paysannerie originelle, l'immigration en voie de sous-prolétarisation, l'upper-class méprisante), et la décrépitude du système bancaire, avec un point de vue cruel mais assez pertinent sur le degré de responsabilité vis-à-vis des systèmes d'oppression sociale. |