Surprenant d'amateurisme. Un camouflet pour les autres films en compétition à Fribourg. |
Disons-le d'entrée, ce film est assez soupe, gentillet et fait très prod pour festival de Films du Sud. Bel alignement de bons sentiments en effet que cette zolie histoire d'un gentil gamin sage, intelligent et bon élève qui a honte de son père videur alcoolo, et qui découvre finalement que ce dernier a un vrai talent, un univers propre, un passé traumatique, des raisons d'être le con qu'il est devenu, etc. MAIS en même temps ce film participe de la tendance actuelle des œuvres revisitant les fondements mêmes du médium cinématographique (une caméra braquée sur un corps), par le biais d'une inscription passionnante dans le monde de l'attraction de foire et de music-hall (dans The Wrestler c'est le wrestling et le strip-tease; ici ce sont des trucs bien dégueu de fakir-magicien), ce monde de l'attraction qui nous ramène aux bases du cinéma, juste avant que les Lumière puis les littérateurs ne s'en emparent, c'est-à-dire quand les premières bandes Edison et Skladanowsky enregistraient les gestes d'acrobates, de danseuses et autres kangourous-boxeurs. Sauf qu'Adorno est passé par là depuis, et que ces corps servent aujourd'hui à des récits cinématographiques visant à discourir sur l'aliénation de l'individu. Un individu (anti-)héros dont la réduction au numéro spectaculaire qu'il performe mécaniquement, centré sur une forme d'exhibition physique “nue”, vise à affirmer un beau paradoxe : d'une part il est la marque d'une inféodation avilissante à l'argent et aux mauvais instincts régressifs, d'autre part le signe d'un absolu transcendantal. Il y a donc dans ce My Magic du fakirat comme il y a du wrestling dans The Wrestler: authentique, puissant, extrême. Les séquence de spectacle sont juste magnifiques, hallucinantes et virent, comme chez son jumeau ricain, vers le gore humilant. Mais contrairement au chef d'œuvre d'Aronofsky, ces moments ne participent jamais chez Eric Khoo (un garçon qui a toujours œuvré dans le joli, d'ailleurs) d'une esthétique d'ensemble, travaillée à partir du principe du numéro spectaculaire lui-même: ainsi dans The Wrestler, la confrontation avec le monde du travail alimentaire, et les équivalences avec l'effeuillage, la valse, la danse de bar, etc. Autant de déclinaisons intelligentes et émouvantes du motif de base. Rien de tel dans My Magic, malgré ses déroutantes ponctuations sabrées et aiguillées!!! |