Je sur-note un poil pour la fin génialissime du film et pour vous encourager à bouger votre cul jusqu'au Belveaux (bonus: le guignolo qui fait les speechs foireux ne pas - plus? - là). On appréciera tout particulièrement dans ce film sur la possibilité (ou l'impossibilité) de le réinvention de soi, l'emploi très original d'éléments extérieurs comme le passage des trains ou les changements de nébulosité pour souligner des articulations du récit, un montage acéré et le culot de jouer sur des ressorts meta-narratif (deus ex machina, changement de ton et de facture) pour affirmer avec encore plus d'intensité son discours doux-amer. Je laisse notre musicologue maison nous expliquer en quoi ce film constitue une sonate, mais sur la musique je tiens à souligner l'idée assez merveilleuse d'utiliser (presque) exclusivement une sorte d'harmonium cheap qui semble matérialiser les morceaux silencieux que le fils cadet joue sur son petit orgue électronique aphone. |
Mon expérience du film semble assez proche de celle de Vincent (la fatigue peut-être aussi). Un petit trois étoiles donc, arraché par cette fin tétanisante. |
Le film sur le monde du travail le plus glaçant depuis L'emploi du temps de Laurent Cantet. Le parallèle me paraît pertinent puisque les deux personnages principaux n'avouent pas à leurs entourages et font comme si. |
En fait je l'avais déjà lu ce commentaire! |
Un très beau film. Sans être vraiment déplaisant, le léger virage comique-violent des trois quarts du film casse tout de même un peu le rythme d'ensemble, qui a d'ailleurs moins à voir avec une (pseudo-)forme sonate qu'avec le minimalisme par touches et figures réitérées auquel nous a habitués le meilleur du cinéma japonais contemporain (entre mélancolie et mécanicité, admirablement traduite par le ronronnement bontempi de la musique - on pense, non sans nostalgie, à une autre Sonat(in)e tout aussi poignante). Le film, jusqu'alors, est envoûtant, passionnant, précis et subtil dans les gestes comme les cadres. Le personnage du fils aîné, ainsi que celui de la mère, je dirais presque tout ce qui ressortit au choral, est un peu moins impressionnant que les trajectoires croisées du père et du cadet, véritablement centrales. |
Je surnote également, pour inciter d'autres grottiniens à aller voir le film. Mais je suis nettement moins emballé que Frederico. Mon principal grief concerne le moment où le film "s'emballe" et fait plonger tour à tour ses personnages principaux dans une spirale dramatique un peu outrancière, à la limite du grand-guignol (sang y compris), qui détonne complètement avec le reste du film, plutôt sobre dans ses effets. Les personnages sont, à ce point du film, dans des impasses et cherchent de manière désespérée à se réinventer (comme le souligne Frederico) – d'où le changement de ton –, mais je n'ai pas mordu à cet hameçon-là. En revanche les deux premiers tiers de ce film (un peu longuet, m'a-t-il paru) proposent un ensemble rythmé par des lieux et des séquences qui se répètent (la maison et ses scènes types, la "bourse" aux emplois et sa file interminable, le no man's land décrépi où se retrouvent les "chômeurs en col blanc", etc.), le tout créant une certaine ambiance intéressante, également avec des idées de cadrage et de montage qui m'ont séduit. Et j'ai été particulièrement intrigué par cette représentation de la métropole Tokyo qui déroge à tout ce que j'ai pu voir jusqu'à présent... si le mot "Tokyo" n'était pas dans le titre du film, aucun Occidental ne se douterait que c'est le décor du film!... A propos du titre précisément, et pour répondre à une question de Frederico, je pense que "Sonata" évoque, premièrement, le type de composition emblématique pour le piano; deuxièmement, c'est peut-être également la structure de la sonate en quatre mouvements et tempos différents qui est empruntée par le film. |
****** SPOILERS AHEAD ****** Il me semble que le changement de ton et de style, encore appuyé par le fait que le voleur soit joué par le Gérard Depardieu du cinéma japonais, est à la fois complètement bancal (sur-jeu, séquence de conduite avec fond projeté dégueulasse, etc) et complètement assumé. Comme foreshadowed par l'ami du fils aîné qui attend qu'un tremblement de terre arrive pour que la société puisse changer, Kurosawa donne à chacun des personnages l'événement exceptionnel qu'ils attendent pour montrer comment même cela ne change finalement rien. Peut-être est-ce trop tard pour eux, peut-être ont-ils détourné le regard un instant et que l'étoile qu'il avaient en point de mire à alors définitivement disparue, peut-être ne peut-on que s'accepter et pas se réinventer. Donc oui c'est bancal, oui, pris indépendamment tout ce quart du film est bien moisi, mais il me semble que le culot et l'originalité incroyable du dispositif et, in fine, son efficacité sont à saluer. |
Oui, je suis d'accord avec toi sur l'aspect "assumé" de ce changement. Il est complètement voulu, ce qui se marque précisément par une outrance grotesque (au sens premier du terme). Toutefois, comme je le dis, je n'ai pas pris ce virage avec le film. Peut-être la fatigue?... En revanche, SPOILER SPOILER SPOILER! la toute dernière séquence me convainc beaucoup plus, parce qu'elle est à la fois complètement attendue (exécution brillantissime du cadet au piano, fascination de l'auditoire qui se rapproche du Yamaha – sponsoring efficace – comme les animaux de la forêt autour de Snow White) ET inattendue (pas de finale hypereuphorique avec force vivats, il semble que le jeune homme va réintégrer son quotidien, sans plus). |
en contrepoint à vos supputations, j'ai entendu une interview du réalisateur à Cannes dans laquelle il avouait qu'il avait regardé la définition de la sonate dans le dictionnaire juste avant en se disant qu'on lui poserait certainement la question et qu'il n'en savait auparavant rien du tout... http://en.wikipedia.org/wiki/Sonata_form après la douce amertume de Darjeeling Limited, une autre fort belle utilisation du Claire de Lune |