Film: Z32

Laurent () a dit:
Jusqu'alors, les films d'Avi Mograbi m'avaient toujours un peu gêné, l'homme faisant mine d'exploiter le filon autoportraitiste à tendance politique de la même manière qu'un Michael Moore, c'est-à-dire pour se faire un nom et se hisser pathétiquement au niveau de l'élite (voir son documentaire sur «Ariel Sharon et moi»).

Mais l'homme a visiblement franchi un cap: à partir des pénibles réminiscences d'un soldat israélien pris dans une crasseuse affaire d'expédition punitive, il met ici en place un dispositif énonciatif véritablement fouillé dans ses multiples variations. Le film marquera notamment une indéniable date dans l'histoire du cinéma, avec ses divers effets de masques numériques qui recouvrent le visage des deux témoins.

Et toute l'autoréflexivité, d'ordinaire si pénible - car schématique - dans ce type de film, passe ici formidablement bien: première séquence à la Boris Lehman («voilà, je suis face à la caméra, ce film pourrait être l'histoire de ce personnage qui est face à vous, qui pourrait faire ça et ça, ou ça» - et en fait c'est le film lui-même en train de se faire, et plus encore: le cinéaste en train de se mettre progressivement à nu et accepter sa future position de médiateur/personnage/exploiteur de sensationnel, etc.)
Ce qui m'a probablement plu le plus, c'est que Mograbi paraît cette fois avoir véritablement pris conscience de sa démarche opportuniste et la discute dans le film lui-même.

Enfin, reconnaissons-le, Mograbi est assez drôle tout au long du métrage, à la façon d'un Nanni Moretti, notamment dans toutes les scènes de chanson façon Kurt Weil (musique extraordinaire, saluons le compositeur-pianiste au passage) qui ponctuent le film et où le réalisateur exprime face à la caméra toutes ses afterthoughts sur sa démarche para-putassière.

Seul léger bémol: la mise en scène du filmage du jeune témoin et de sa copine, qui font comme s'ils s'auto-filmaient… je n'y crois pas.