Film: The Departed - Les infiltrés

Frederico () a dit:
Il y a pas mal de choses qui ont été chamboulées dans l'adaptation. On perd la logique de deux hierachies qui s'affronte, omniprésente dans les films de HK en général et dans Infernal Affair en particulier, on perd de la complexité et de l'intensité dans certaines scènes (le deal avec le morse à la fenêtre dans IA), mais en échange on gagne pas mal de choses... du bon et du moins bon d'ailleurs.

Je vais pas en rajouter des tonnes et juste signaler la meilleur réplique du monde: "I'm just leaving for a smoke. What? You don't smoke? Are you one of these Fitness freaks? Go fuck yourself!" Ce qui est merveilleux ce que ce n'est pas un dialogue: Baldwin pars d'un statement pour finir par une insulte en s'énervant tout seul gratuitement. La classe!


Charles-Antoine () a dit:
J'ai franchement hésité avec 4 étoiles... L'exercice est passionnant, même si on est loin du souffle épique de Casino ou de l'ampleur insufflée à ses deux précédents films. Au contraire, tout se concentre sur le microcosme flico-mafieux bostonien. Aucune tentative ici de restituer la ville dans sa configuration spatiale ou sa taille par exemple, seule compte l'intrication des réseaux électroniques et l'inflation des tensions humaines.

Autrement, le film est assez brillant dans son usage quasi permanent du montage parallèle d'abord puis alterné, avec l'idée que plus les deux personnages principaux se rapprochent, plus la cadence du montage va décroissant.

Côté représentation de la masculinité, c'est évidemment le personnage surdéterminé par le féminin (Damon, imberbe, connoté impuissant par la remarque de sa compagne et l'univers saphique de son mentor au pénis artificiel) qui régit les réseaux informatiques porteurs de perte d'identité (thématique classique de l'effacement identitaire postmoderne) et arbore l'attitude la plus compensatoire (corps hyper virilisé, posture sarcastique et insensible, etc.). Face à lui, vulnérable et touchant, le personnage de Di Caprio figure un destin christique, mis à mal par la modernité et qui ne peut renouveller sa virilité qu'au terme de son choix d'alliance avec la femme indépendante (un choix autorisé par la valorisation de la famille et la figure mythique de son père à la hauteur de laquelle il finit par s'élever). Dans tout cela, quoi de plus normal que les trois personnages soient réunis pour la première fois dans une salle de cinéma matricielle où l'on projette un film pornographique lesbien...

Mentions spéciales pour le personnage de Mark Walhberg, sans aucun doute le plus drôle de l'année, et pour les meilleurs dialogues de l'année également!


Laurent () a dit:
OK nettement moins lyrique et ample que les deux derniers epics signés M. S. (d'ailleurs, au plan lyrique, le HK assurait vraiment, on réalise paradoxalement la force de ce film original aux allures de petit machin sans relief)

OK énième constat sur les dérives de la masculinité se redéfinissant face à l'obsolescence et la stagnation de ses modèles (voir infra l'excellente analyse de Charles à ce sujet), qui a pour défaut à mon sens d'écraser le personnage féminin sous le poids de ce rôle pivot. Cette image de femme n'est d'ailleurs pas totalement celle de l'indépendance puisque c'est avant tout par la maternité qu'elle contribuera finalement à faire évoluer les choses. Le fait qu'elle porte l'enfant du zenti renvoie en outre à la tradition culturelle américaine où un personnage peut se résumer en fin de compte à sa fonction (ainsi: le zenti prolo qui n'a pas eu de chance et s'est fait avoir en dépit de son immense talent, qui meurt à la fin mais peut se reproduire par l'enfantement). On pourrait parler là d'un schéma C+B (Christ + Bébé), qu'on retrouve par exemple dans Braveheart.

OK Nicholson en maffieux truculent et tout ça, déjà vu 100 fois

OK trop de gros plans, film trop centré sur les tronches rentables de ses interprètes


Mais quand même:

- (un peu) perspective auteuriste: en dépit des apparences, ce film poursuit la logique de Gangs of New York, en montrant les descendants dégénérés des mêmes pionniers irlandais; ainsi que celle d'Aviator, centré aussi sur l'échec de l'accession au pouvoir de héros confrontés à l'hypocrisie des élites en place. Le rêve d'expression et de pouvoir individuel se heurte à un ordre social qui a l'apparence de la démocratie mais qui repose sur des réseaux occcultes et des magouilles de coulisse.

- (beaucoup) le genre policier US est renouvelé par la singularité de l'univers social ambiant, en l'occurrence celui des immigrés irlandais de Boston. Marrant de voir comment Scorsese élimine sommairement et cruellement les maffieux ritals qu'il a érigés en mythe dans ses précédents films. Symbole de ce changement de point de vue et de culture.

- (passionnément) à l'exception du Jack, très bien mais déjà vu comme j'ai dit, les acteurs m'ont presque tous impressionné: le film étant dédié tout entier au déni du verbe (soit par le mensonge soit par l'excès de parole), on met donc l'accent sur l'intensité des regards-qui-en-disent-plus-que-les-mots, ainsi que sur l'outrance des dialogues (les plus vulgaires de l'histoire du cinéma, probablement), délivrés avec les variations qui s'imposent: énergie, accents, rythme, ironie, etc. Vraiment exceptionnel sur ce point.








Robert () a dit:
Il faut que je revoies la version HK pour me faire une meilleure idée des apports de ce remake.