Film: Flags of our Fathers

Charles-Antoine () a dit:
Hormis un discours qui reconduit paresseusement tous les poncifs du cinéma réactionnaire actuel (populisme anti-étatique qui localise l'ennemi pas seulement à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur; éloge de la masculinité; militarisme), il faut reconnaître que les deux premiers tiers du film sont assez jouissifs à suivre, même si c’est essentiellement dû à la nature du sujet traité... Mais je parle évidemment aussi du jeu sur la temporalité, de la reconstitution de la fable via l'apport de différents points de vue (même si ces derniers ne sont pas mis en concurrence sur un mode contradictoire) et des quelques scènes de combat, à mon sens assez réussies.

Autrement, le film participe clairement du type de propagande post-Ryan: récit rétrospectif visant au renforcement de l'axe père-fils fondateur des valeurs fraternelles américaines, ennemi sans visage (oui, je sais qu'il y aura un autre film en février...), caractère dévirilisant de la vie moderne (certaines scènes font notamment penser au retour à la société du personnage de Tom Hanks dans Cast Away), photo aux couleurs désaturées qui, paradoxalement, feint de faire croire que ces passages guerriers sont porteurs d'un supplément d'authenticité en regard de la propagande photographique que le film décrie...

Pour moi, l'aspect le plus passionnant réside dans l'originalité de la scénographie de quelques lieux d'échange verbal et surtout dans la manière dont certains leitmotive de la modernité réactivent le traumatisme de la guerre et vise et versa. Je pense aux flashs photographiques (cf. The Aviator), au passage du train, à la représentation métonymique de l'ennemi qui n'est montré que par le prolongement métallique de ses armes, aux choristes stéréotypées, aux voitures, au caractère répétitif des scènes mondaines ou de liesse publique, etc.

Finalement, le héros se reconstitue dans sa stature via un récit qui relève de la culture légitime (l'ouvrage écrit par son fils) par opposition à la vulgarité et au schématisme mensonger d'une photo qui procède de la culture de masse. Enfin, le personnage de Ryan Pilippe atteste de sa perméabilité face à la modernité, dans la mesure où il ne cède ni à la liquéfaction alcoolique de son compagnon indien ni à l'opportunisme féminin dont est victime son autre collègue. Il peut, après réflexion, se jeter sans crainte dans les eaux féminisantes du Pacifique...


Laurent () a dit:
Justesse émouvante des scènes de combats (décidément, le Pacifique inspire mieux les cinéastes américains que le théâtre européen)

échec relatif dans la représentation de la vie quotidienne des troufions (quelque chose coince dans les dialogues entre soldats, sur les bateaux, à Iwo Jima, je n'ai pas compris encore quoi); tout paraît assez plat en fait.

humour, pertinence et efficacité pour tout le segment «tournée War Bonds»

dommage de focaliser sur le personnage le plus inintéressant des trois (le plus bourgeois)

il faudra certainement juger une fois le dyptique achevé; dans la rencontre des deux films, quelque de fort pourrait émerger.