Très lent et souvent ennuyant, car rien ne vient donner du relief. Le dispositif choisi au départ est pourtant intéressant – retracer l'histoire d'un homme et d'une période de Boston à travers les trois regards croisés de criminels interrogés... mais ce dispositif ne tient pas bien longtemps, puisque très vite on a accès à des perspectives qui dépassent largement celle de chaque témoin convoqué. Dommage, car il y aurait eu moyen de dresser un portrait en lignes brisées, floutées, voire contradictoires... Ici, on a un récit qui au contraire veut tout mettre à plat et qui, de ce fait, devient plat lui-même.
Comme pour "Bridge of spies", je crois que le film se trompe complètement de sujet – et, comme pour le Spielberg, on le comprend par le fait que le titre nous met à chaque fois sur une fausse piste; "Bridge of spies" (qui fait croire que le thème sera un lieu – Berlin – construit par des frontières et des points de passage, d'échange) aurait dû s'intituler en réalité "L'Avocat qui échangea deux Américains contre un espion russe"; et "Black Mass" (titre qui, si je comprends bien, joue avec l'abréviation désignant l'Etat du Massachusetts, donc à nouveau pointant comme thème un lieu et la part obscure de son histoire) aurait dû s'intituler "Le mec qui planta tout le monde, FBI y compris, durant dix ans". Sur ce point, le titre "français" est plus adéquat, en pointant le caractère de Bulger comme centre de gravité du récit. Mais qu'est-ce qu'on s'en fout du caractère de Bulger, non? ou des liens de "loyauté" ambivalents qui peuvent exister entre lui et son frère ou son pote du FBI Connelly... Le sujet qu'il aurait fallu traiter, au contraire, est celui de Boston dans les années 1970-1980, de la confrontation entre clans, du désarroi des autorités dans leur lutte contre le crime organisé, de l'extension des clans à travers différents Etats, etc. Tous ces éléments sont bien présents dans le film, mais le récit en fait des composants d'arrière-plan, plutôt que de les configurer en véritable charpente narrative. |