Ce film prend très au sérieux son histoire de mutants anthropophages dont les tares congénitales résultent d’anciens essais nucléaires. Signalé dès le générique mêlant, à l’instar de Valse Triste (Bruce Conner, 1977), les sourires forcés d’images publicitaires vintage à des plans d’archives montrant des explosions atomiques, le souci constant d’expliciter ce discours n’évite pas la redondance, comme dans la séquence où l’un des freaks entonne péniblement l’hymne national avant de réciter un énième laïus sur le sort lamentable de sa communauté rejetée hors du rêve américain. A ce problème s’ajoute celui posé par une psychologie des personnages construite à partir de stéréotypes que d’excellents interprètes ne parviennent pas toujours à sublimer : le pater familias est forcément membre de la National Rifle Association, alors que son beau-fils, nerd démocrate asservi à son téléphone portable, s’émancipe d’un statut subalterne par la redécouverte de son énergie “virile”; du côté des assaillants, une petite fille incarne quant à elle une prise de conscience “humaniste” de son altérité repoussante, qui la pousse à un geste combinant sacrifice et élimination des siens. Cet ancrage conventionnel affaiblit non seulement la portée politique du film, mais encore les tensions dramatiques et spectaculaires engagées par un dispositif horrifique admirablement établi dans les séquences d’exposition. Adoptant les pratiques filmiques en vogue (photo surexposée, recomposition photogrammatique de certains mouvements…), le film comporte toutefois quelques moments forts empreints d’une étonnante brutalité. Ceux-ci sont redevables d’une part de la référence au western que suggère immanquablement le cadre désertique de l’action (les différentes attaques du van, les affrontements dans les rochers, la déambulation dans la ville fantôme…) ; d’autre part de certains motifs plastiques qui assoient, mieux que les dialogues usinés, l’esprit du cinéma d’horreur des seventies : ainsi l’alliance entre le néo-primitivisme (tribalité des monstres) et les vestiges d’une société industrialisée (cimetière de voitures, mannequins réarrangés…) ou encore l’isotopie obsessionnelle de la tête malmenée (plaquée au sol, cognée, fendue, transpercée, éclatée…) qui exprime avec une certaine stylisation l’attaque irrationnelle des sens propre à ce genre cinématographique. |