Film: The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford

Frederico () a dit:
Mars 2008 au Japon... yay? Je ne sais plus où j'ai vu la bande-annonce, mais entre elle et vos commentaires ça a sérieusement l'air de trouer le cul comme dirait Cartman.

EDIT: 17 jan 2008 - vu dans des conditions qui n'honorent pas le film mais qui laissent peu de doute quand à sa qualité.


Charles-Antoine () a dit:
On flirte avec le chef-d'oeuvre, j'hésite encore un peu entre 3 et 4 étoiles.

Le canevas narratif est aussi simple qu'intéressant, l'histoire du Jésus Christ et de Judas reformulée à l'aune du mythe de Jesse James vs Robert Ford. A ce titre, tout y passe: les apôtres, Marie Madeleine, les pèlerinages, la crucifixion, la messe, l'appât du gain dans la trahison, la résurrection, la double vie du Christ et, last but not least, la présence divine figurée par l'instance énonciative omnisciente...

Côté discours, on reconduit les grands motifs de la virilité contemporaine: la masculinité agrarienne de l'homme des grandes plaines, légende dans sa 34e année avant même d'être passé de vie à trépas (la 25e heure du Christ en somme), l'homme animal à la peau d'ours noir qui s'oppose au train (superbe plan en ombre chinoise de la silhouette de James dessinée par l'arrivée de la locomotive dans la nuit), le dernier homme, celui de la Frontière, dont le crépuscule annonce la fermeture de 1890. A l'instar de ses homologues sacrificiels gréco-romains, Maximus/Gladiator et Léonidas/300, c'est aussi le héros de la pastoral, caressant délicatement les épis des grands champs de blé qui témoignent de son lien inaliénable avec la terre. Mai c'est surtout le représentant de la loyauté masculine, le garant de la parole donnée, seul personnage à même de détecter le mensonge et couardise.

Face à lui, Ford campe l'échec paradigmatique de l'Oedipe, le contre-type de l'idéal masculin américain, ancré du côté de l'urbanité, de la collusion politique, de la culture de masse (siège de son admiration pour JJ), de l'eau, des apparences théâtralisées, de la répétition tragique et inlassable, de la traîtrise matérialiste dévirilisante. Objet du mépris public face au mythe, risée nationale, il est celui dont le meurtre ne mérite pas l'écranisation filmique ou la pose photographique, gage du passage à la postérité des grands hommes. Il est celui qui, structuré du côté du bandit qui couche de manière compulsive avec "la femme du père", n'a pas réussi à se sublimer et tente le meurtre du père qui ne fera que le mener à la régression intra-utérine.

Un film magnifique (voir le rythme de la séquence de hold-up), dans la veine 70's de The Brave One, Zodiac et Superman returns, qui aurait peut-être gagné à un montage un peu plus serré et des dialogues encore plus bétonnés. Mais je fais la fine bouche, pcq côté christique, on est loin de chez Gibson.


Laurent () a dit:
Longtemps je serai hanté par le rythme de ce film unique… Extraordinaire temporalité

un sens indéniable du geste tragique, de la posture, des voix : l'un des plus beaux ensembles d'acteurs masculins de l'histoire du cinéma américain



Vincent () a dit:
Casey Affleck impressionnant; le jeu de Brad Pitt, de temps en temps, me convainquait moins, mais qui restait juste tout de même. Et surtout, une beauté des plans, de la photo, un usage de la lumière, des contrastes très impressionnant, au sens premier du terme. La séquence de l'attaque du train restera, de ce point de vue, dans les annales: ça, c'est du lyrisme visuel! Malick pourrait en prendre de la graine... Belle musique également, et une place laissée au silence, aux trous dans le dialogue, qui donne sa tonalité au film, en accord avec l'attention portée aux contrastes lumineux.