Film: 300

Frederico () a dit:
Il y a quelque chose d'assez sympathique dans le projet de faire un film un peu plus rugeux que d'habitude, un peu plus stylisé que d'habitude et ce avec des moyens assez limités, des ordinateurs et un peu de malice.

Malheureusement, il y a quelque chose d'assez antipathique dans le propos: la corruption (dans tous les senses du terme) de tous les pouvoirs autre que militaire, le cosmopolitisme comme décadence, les tares physiques comme trace des tares mentales, etc.

On notera au passage que le film fait l'impasse sur les milliers d'esclaves que les spartiates avaient emmenés avec eux


Charles-Antoine () a dit:
De la facture, je retiendrais l'insistance sur les prises de vue frontales et latérales héritées de la BD. Du discours, son manichésime assumé (voir évidemment le caratère sexué des représentations, avec d'un côté les armures corporelles occidentales et de l'autre les corps anonymes ou difformes, vulnérables et féminisés), mais aussi cette idée paradoxale que la force et la faiblesse principales de la horde spartiate réside dans leur incapacité à intégrer l'altérité (le bossu).

Autrement, je salue particulièrement le développement (hors BD) du personnage de la reine, merveilleusement interprété par Lena Heady, vis-à-vis duquel le film entretient un point de vue empathique, soulignant certaines des difficultés inhérentes à la place d'une femme dans une société patriarcale et violente.


Laurent () a dit:
Ah quelle déception quand même: si ce film avait osé aller plus loin et ne pas se fourvoyer - dans quelques passages décoratifs (vous voyez de quelle déco je parle) - en tentant l'usinage Gladiator (en gros les moments représentant Sparte côté filles et politicards, en fonction du binôme défaillant «score soupe merdique» + «bla bla»). S'il échoue sur ce plan, le film reprend néanmoins parfaitement (sans génie, mais sans affaissement non plus) la BD, son «graphisme», son discours… ce qui lui vaut bien trois étoiles sur les quatre qu'il aurait pu obtenir avec plus de courage.

Admirable notamment d'avoir osé conservé la «ligne pure» du discours de la BD - tout ce qu'on voit, je le rappelle, est le produit du récit mythologique raconté au coin du feu par l'émissaire spartiate chargé de «print the legend». Un récit absolument manichéen, où les émissaires à la peau foncée sont perçus comme des représentants de la Bête régressive, ou comme ceux de l'aliénation (les Immortels, pourrissant derrière leur masque désindividualisant, tout comme le demi-dieu sophistiqué de trois mètres qui les commande tous, valent en fin de compte les esclaves et les monstres qui chargent sans cesse la vaillante troupe). On respecte de la sorte la logique sociale posée au début du récit mythique (en témoigne admirablement la belle séquence où Léonidas explique tranquillement à l'éclopé pourquoi il ne peut pas être soldat - membre du corps social). Partant, ce film nous libère des petites histoires psychologiques bien tordues mais-finalement- tellement-mainstream qu'Hollywood nous assène depuis quelques années (l'axe dominant Clowney-Spielberg, Inc.).

La critique se déchaîne sur le «fascisme»-«bushisme» des images sociales, mais elle aurait tout autant fustigé d'éventuelles fioritures politiquement correctes, du genre la présence à l'écran d'un copain basané et estropié des Spartiates… En outre, Bush, ce peut être Léonidas comme Xerxes et son impérialisme vaniteux, sa coalition boîteuse qui se casse les dents sur la résistance d'une poignée de valeureux (bon je sais que ce n'est pas ça, heureusement d'ailleurs, mais ça pourrait, en théorie).

En effet, ici comme dans tant d'autres films US, c'est la nécessité de défendre le territoire qui revient pour justifier l'action militaire, pas l'invasion: ici comme dans Matrix, dans le Seigneur des Anneaux, Kingdom of Heaven, Letters from Iwo Jima, etc. Ou alors comme dans d'autres où ce sont les affres moraux des envahisseurs réunis en armada qui sont mis en avant (Flags of Our Fathers, Troy, Alexandre). Bref, tout cela est passionnant et 300 apporte sa contribution au débat par l'expression d'une position simple (simpliste ou singulière?, tout est affaire de point de vue).

Note de Brinca: C'est assez drôle au passage que celui chargé de documenter la légende soit borgne. L'oeil unique de la caméra?

Renote de Laurent: Bien vu, des deux yeux! Certainement la volonté d'assumer une vision unilatérale.





Vincent () a dit:
Bon, primo, musique vraiment à chier, ça, il faut le dire d'emblée.
Pour CA: rôle de la femme assez intéressant, car elle a droit à deux facettes – féminine/sensuelle + masculine/guerrière.
Un manichéisme dans les représentations beaux Spartiates surmusclés vs lascifs Perses dégénérés (et hors normes, id est monstrueux, que ce soit dans la laideur, la défiguration, ou au contraire dans une beauté suspecte car asexuée) qui, à force d'être aussi omniprésent, en devient presque intéressant...
Quelques beaux plans pour retranscrire la matière bédégène.
Mais en fin de compte... quand même assez bof, non?