Porté par l'enthousiasme, j'hésite encore avec 3 étoiles, mais sans doute un des meilleurs films de l'année pour l'instant. Toutefois, je comprends les réserves émises par Luluc jeudi soir: il est vrai que le côté pastiche du film, parfois à la limite de la parodie, avec ses effets de soulignage mélodramatique a aussi eu, pour moi, quelque chose de gênant au début, notamment dans le conflit que ces effets d'emphase (au plan de la narration, de l'omniprésence de la musique, du travail sur les décors et les costumes, etc.) créent via leur rapport avec le filmage plus distancié. Mais rapidement, de ce contraste naît une réflexion engageante sur le rapport entre imaginaire et réel, entre sentimentalisme et naturalisme, où la puissance de la subjectivité féminine se confronte à un romantisme masculin confiné dans le masochisme. Pour le dire vite, le film m'a fait penser à cette maxime qui envisage "la réalité comme ce qui résiste à la subjectivité" (thème récurrent chez Ozon). Voir à ce titre l'accent qui est mis sur le révisionnisme fantasmagorique (jamais négationniste) de l'autrice dont on magnifie la puissance créative et l'insistance avec laquelle le film traite la question de son regard. A la fin, gagnée par le laideur du monde qu'incarne son amant et ses oeuvres à la palette chromatique restreinte (qui seules connaîtront la légitimation culturelle), l'écrivaine ne peut que devenir aveugle... Ces partis pris m'ont fait un peu penser aux stratégies employées dans certains films de P. Verhoeven, une célébration de la puissance des codes et de l'imaginaire du roman sentimental et une dénonciation simultanée de l'aliénation qui peut en découler. Mais le film d'Ozon est, dans ce registre, sans doute moins cynique que ceux du bon Paul. En outre, contrairement au personnage d'Emmanuelle Béart dans Les Témoins (enfin des femmes artistes dans le cinéma français!), qui cherche à restituer la vérité d'une époque, Angel ne désire qu'embellir le monde, sans pour autant perdre sa lucidité (mis à part ce qui concerne son mari Esmé, point aveugle de sa pensée). D'après moi, le point de vue que film construit s'apparente à celui du personnage interprété par Charlotte Rampling qui, malgré le dédain esthétique qu'elle a pour les romans d'Angel, en est venue à admirer la femme... En cela, Angel constitue un complément fascinant à un autre film d'Ozon, Swimming Pool, où c'était le fantasme qui menaçait de s'imposer à la réalité de l'écrivaine (cette fois confirmée et d'âge mûre), au point où celle-ci venait à douter de l’objectivité de sa vision du monde. Voilà, je suis très curieux d'entendre d'autres avis sur ce film émouvant. |