Film: Burn After Reading

Jean-Luc () a dit:
Sinistre et crétin. Une vision de l'humanité immonde. Des vieilles ficelles qui ne marchent vraiment plus. M'a à peine arraché un demi sourire.

NDFred: ça donne envie!


Laurent () a dit:
Au plan du plaisir, des sentiments et de l'esthétique, on tombe bien bas, une fois de plus, avec ces frères Coen décidément enfermés dans leur vision sordide de l'humanité, qu'ils recyclent sur un mode très early nineties avec tous ces petits jeux narratifs (pseudo-choral, ellipses) circulant à vide… Le comique se limite en fait à une poignée éculée d'effets qu'on croyait définitivement enterrés depuis des lustres (pistolet qui part tout seul façon Tarantino, caricatures hystériques façon Poiré). Comme souvent avec ce type de cinéma, seule la mise en place se révèle assez effective (découpage impressionnant de la première séquence qui fonctionne comme un adieu au cinéma, vu que la suite est souvent réduite au strict minimum absolu niveau montage et représentation de l'espace).

Le propos s'avère plus intéressant (Read After Burning?), bien qu'aisément décodable et, vous l'aurez compris, dénué de toute compréhension de la chose humoristique: ce discours consiste en une revendication très réflexive de la vacuité, censée renvoyer à l'état de l'Amérique aujourd'hui : d'abord, les héros sont tous superficiels, arrivistes, hypocrites mais sauvés par leur côté “sympathique idiot“ - le film s'ouvre sur l'éviction professionnelle du seul type intelligent de cette histoire (Malkovich) qui va d'ailleurs tenter, à la fin, de se rebeller - explicitement (il se réfère à ce «monde d'idiots contre lequel il a lutté toute sa vie), mais vainement évidemment. A cela s'ajoute le fait que ce qui anime tous ces gens est dénué de toute importance (ce qu'ils volent n'a en réalité aucune valeur). Et, comme si cela ne suffisait pas, on ajoute l'idée que les services secrets (grand film sur la paranoïa supposément inutile des années Bush), qui surveillent constamment tout cela depuis le départ et commentent quelquefois l'action comme un choeur grec situé entre la diégèse et un niveau énonciatif plus proche de nous, s'en foutent éperdument et font disparaître in fine toute trace de cette histoire (écho à la boucle similaire qu'opèrent les Coen en démarrant et terminant par une vue aérienne de Langley).

Enfin, les acteurs sont tous excellents et parviennent par moments à s'émanciper de leurs rôles insignifiants, en particulier Clooney et Swinton, dont le couple fonctionne parfaitement à partir d'une opposition entre perche snob coincée perverse et bellâtre veule faux-derche dadais… Malkovich fait penser à Fiennes dans In Bruges: une interprétation parfaite, mais qui a de la peine à exprimer toutes ses nuances dans un personnage trop stéréotypé (celui qui ne maîtrise pas ses nerfs). Idem pour Brad Pitt, assez amusant (tout est dans la bande-annonce) mais à partir d'une vision trop méprisante et guère développée du gym freak sans cervelle pour être réellement productive… et véritablement drôle.







Vincent () a dit:
Ayant lu les commentaires de Luluc et de Lolo, je m'attendais à qqch de catastrophique, et j'ai été donc finalement surpris "en bien". Le truc est que c'est une comédie pas très drôle et, surtout, assez peu rythmée, avec des dialogues plutôt plats et un jeu "comique" pas toujours très convaincant, surtout chez Frances McDormand. En revanche, Malkovich, Clooney et Swinton sont assez bons, et même Pitt s'en sort encore pas trop mal dans le registre outrancier.

La vraie question serait de déterminer si les Coen Brothers sont de si bons cinéastes et scénaristes que ça... Car ce n'est pas le premier film sur du vide (tant en termes de contenu cérébral des personnages que de leurs quêtes respectives) qu'ils réalisent: repensez à "The Big Lebowski", par exemple, ou encore – Frances oblige – à "Fargo", tout simplement, qui était là aussi une pseudohistoire criminelle où s'agitait une équipe de personnages très crétins (avec du raisiné plein les pognes). L'exploitation plus ou moins réussie de ce fonds inépuisable de la débilité ordinaire (qui devient extraordinaire par le miracle de la mise en fiction, mais reste creuse néanmoins) est au cœur de la majorité des productions estampillées Coen Inc. Il me semble que, si on peut les critiquer, c'est sur cette absence de renouvellement (seul le genre "parodié" change: film noir, chronique psychédélique, film d'espionnage...).

Une chose pour moi sauve par moments ce film: c'est lorsqu'il abandonne la caricature déshumanisante (on est proche d'Amélie Poulain parfois) pour révéler, brièvement, une certaine "tendresse" (le mot est mauvais, mais je n'en trouve pas d'autre) pour ses personnages – comme lors des séquences où Linda Litzkie revit les mêmes étapes de ses plans sentimentaux foireux. Mais ça ne dure qu'un temps.