Un bon film, assez surprenant au regard des lancements, mais trop lent à se développer à mon goût. Je retiendrai surtout la prestation de son actrice principale, véritable centre de gravité du film, qui livre ici une interprétation incroyablement contrastée et vibrante, parvenant à restituer parfaitement l'intensité émotionnelle de chaque scène. Sans doute sa meilleure prestation depuis un autre asile: Girl Interrupted en 1999. Autrement, le film abuse un peu de la désaturation lumineuse et, à titre très personnel, je me serais aisément passé de la scène publique à St Quentin... |
2-2,5. La première partie sur la corruption du LAPD et sur l'enfermement des femmes en asile psychiatrique est nettement plus réussie que la 2e un peu longuette et larmoyante (avec sobriété certes). Je pousse à trois par supervieuxconnisme eastwoodien caractérisé. |
Après une mise en place sensible (une musique constamment nostalgique qui enveloppe une phénoménale reconstitution de L.A. 1928) et intelligente (notamment l'ancrage du personnage dans un monde technologique en mutation - téléphonie, radio… passionnant!), le film ressemble de plus en plus à l'image que je me fais d'une production de Frank Darabont: rien de particulier à reprocher, tant tout cela est bien raconté, présenté certes par moments avec l'habituel mordant eastwoodien (la mise en scène de l'hypocrisie médiatique des retrouvailles, très Verhoeven-like, rejouée plus tard en variation, à la même gare par le même chef de la police) fait beaucoup penser au premier volet du dyptique sur Iwo Jima), mais malheureusement l'impression, plus le film progresse, d'une certain manque de relief, et de certaines facilités. Ainsi, pourquoi ces pénibles et inutiles flashes back sur la ferme de l'horreur? Pourquoi ce last minute rescue improbable à l'asile de fou? Je n'ai évidemment rien contre les stéréotypes, au contraire, mais j'ai aussi eu de la peine avec la collection de figures chevaleresques qui se portent au secours de la pauvre demoiselle en détresse. Même si on respecte la réalité de 1928 et l'histoire réelle de cette femme, même s'il y a suffisamment de pourris de tous bords (plutôt de l'autre en fait, mais ça c'est plutôt amusant!), même s'il y a une présence active des figures de virilité “molle” (du gentil collègue-amoureux transi au Révérend radiophonique), il y a une certaine caractérisation récurrente du héros “qui-prend-les-choses-en-main-pour-que-ce-putain-de-système-bureaucratique-et-corrompu-disparaisse”, caractérisation un peu désuète de nos jours, surtout quand retentissent les violons… (et surtout lorsque s'exprime le super-avocat qui rétablit, en gueulant et frappant du poing sur la table, les grandes valeurs US). Les fans hardcore de Clint, habitués à la convocation de ces figures traditionnelles de preux chevaliers, s'en régaleront. Il y a par instants des effets subtils de montage qui sauvent la lente mélo-mainstreamisation de l'œuvre : vers la fin, par exemple, une séquence poignante passe en revue tous les visages protagonistes de l'histoire, pourris et héros comme désormais mis à niveau par cette succession de travellings au ralenti, alors que retentit la petite mélodie qui scande le film. Sublime. A la manière de la fin étrange de Mystic River, où l'on paraissait relativiser d'un coup tout l'univers, c'est dans une telle vision à la fois désabusée et mélancolique que se loge à mon sens la force lyrique des meilleurs films d'Eastwood, de Bridges of Madison à Letters from Iwo Jima… |