Film: Body of Lies

Frederico () a dit:
Le Body du titre, c'est aussi celui des gens broyés par la machine de guerre, manipulés, commercés, sacrifiés, abandonnés. Homme de terrain et de conscience, le personnage de Di Caprio le sait fort bien (il est un des ces bodies, plus même qu'il ne le souhaiterait dans le dernier quart du film) et il est mis en opposition (thématique, pas effective) avec un technocrate, un eye in the sky (CA cite Spy Game, mais de Tony Scott on pense aussi souvent à Enemy of the State), qui, lui, joue une grande partie d'échec, une guerre de civilisations. Le propos ne fait qu'illustrer ce que la commission post 9/11 a souligné: la faillite de l'espionnage américain au niveau du terrain pour cause d'obsession technologique.

Moins réac' que ce qu'on aurait pu craindre pour ce genre de projet (la présence du politically concious Leo aurait dû nous rassurer), assez haletant et bien troussé, on reste un poil sur sa faim au niveau de l'ampleur du récit, malgré les deux heures de film.

PS: J'hésitais à mettre 3 étoiles et j'ai été convaincu par le faite que le principal rôle féminin est tenu par Golshifteh Farahani qui est en fait une actrice de théâtre et de cinéma iranien. C'est une première de poids vu l'état des relations américano-iraniennes en ce moment.


Charles-Antoine () a dit:
Pas mal du tout, malgré un fin expédiée. Ridley refait le film de son frère (Spy Game) à la sauce Amérique post David "Surge" Petraeus.


Laurent () a dit:
La structure temporelle de ce film, en particulier le tempo général pour tout le début en Irak, une très longue suite de séquences qui ne cessent de prolonger un long dialogue entre “centre qui perçoit les images de loin et d'en haut” et “terrain où on fait l'expérience concrète des corps”, est si impressionnante, et s'avère immédiatement tellement supérieure à la moyenne des films hollywoodiens de cette année, y compris dans la gestion nerveuse des séquences d'action (shame on Bond, Kassovitz et autres machins mal fichus sans rythme…), qu'il faut être totalement insensible au montage pour ne pas instantanément distinguer cette œuvre de la moyenne de la production.

Le film développe magnifiquement les problématiques de «Black Hawk Down» (en somme: “faites l'expérience du terrain avant de parler”), avec toujours cette prise de distance progressive vis-à-vis des positions interventionnistes des années Bush, mais en développant vraiment les différents points de vue (quel autre film américain contemporain établit de telles nuances entre Dubai, Irak, Jordanie, factions rivales de jihadistes, tendances rivales au sein des services secrets US - j'en ai compté au moins trois, rien que chez les Ricains, donc!), etc.

Ainsi les personnages de Hoffmann ou de Hani, qui auraient été caricaturés en méchants de service (revoyez ces merdes unilatéralement de gauche que sont Syriana ou Rendition, putain!), se voient ici présentés avec un vrai souci de nuance, même si leur bêtise, leur injustice et leur cruauté respectives ne font aucun doute pour le spectateur qui en ressort nettement plus intelligent.

Magnifique image du traumatisme avec ce personnage de Caprio qui plonge progressivement dans un Moyen Orient avec lequel il finit par se confondre. A nouveau, qui aurait placé en image mentale du héros, lorsque celui-ci manque de se faire trucider définitivement par des terroristes islamistes, l'une des visions inaugurales d'un prisonnier irakien mort sous la torture?

J'adore la fin, si émouvante, qui nous rattache au «Let's Get Lost» de MI II…











Vincent () a dit:
Je surnote un peu... le film est long, et j'ai eu de la peine à m'accrocher sur la fin (fin en effet un peu "à l'arrache"... mais comment finir qqch qui n'a pas de fin?). Toutefois, cette longueur dérive de la complexité des enjeux que le film cherche à représenter, donc...
Opposition fantastique entre les deux espions américains, notamment au niveau des corps. J'aime beaucoup également l'utilisation quasi permanente de la "dissociation" entre activités discursives et non discursives (les personnages se parlent à distance alors qu'ils sont en train de faire autre chose). Cette façon d'être là et pas là, c'est-à-dire en fait d'être partout à la fois, est extrêmement bien exploitée. Idem d'ailleurs dans les déplacements éclair de tous les personnages, qui n'arrêtent pas de faire le tour du monde. Omniprésence (grâce à la technologie ou aux vieilles méthodes, celles prônées par le chef du renseignement jordanien) dont découle une omnipotence... toujours fragile. Comme le corps de DiCaprio qui, ainsi que le fait remarquer Fred, donne tout son sens au titre du film.