J'y suis allé à reculons et j'ai été déçu en bien. Alors bien sûr Forster n'est pas un grand cinéaste de l'action mais pourtant les trucs cool s'enchaînent (même si de cool ils auraient pu être ultime dans les mains d'un autre... mais qui? Que sont les maîtres du cinéma d'action devenus?). LA SUITE EST 100% SPOILERS - Le générique et l'ouverture, c'est cool. - La course de chevaux en alternance avec la poursuite à Sienne: classique, mais cool. - La chorégraphie du combat à l'échafaudage c'est HK circa 1995 sans Tsui Hark, mais c'est cool. - La belle Olga qui balade sa brûlure dans le dos sans une seule scène sur le mode "oh mais d'où te viens cette brûlure?", c'est cool. - Un bad guy qui est en gros l'anti méchant de james bond par excellence (le monde n'est plus manichéen, il est complexe, fait de faux-semblants), c'est assez cool (fallait-il vraiment le faire se battre par contre?). - Le plan de fermeture de la scène marine, comme l'a noté Laurent, c'est la classe. - Toute la scène de l'opéra avec l'oeil sur scène, puis le montage alterné du meutre dans le spectacle et de la fuite de Bond, c'est la classe. - Les masques qui tombent alors que M se démaquille, c'est cool. Après c'est Mathis, la nuit, l'anglaise, la fête, les flics, l'avion... c'est un peu le ventre mou.. mais: - Que Greene et son organisation ait un pas d'avance sur tous le monde en cherchant à contrôler l'eau et non le pétrole, c'est assez classe. Toute la fin, désert, hôtel, feu, c'est du joli set et costume design, mais voilà... Pour moi la seule frustration du film vient comme le souligne Vincent du méchant. Non pas par sa figure et son incarnation, mais par le fait que son plan de comptable, tristement réaliste en somme, peine à procurer un véritable élan à la fiction alors même qu'il est sensé en être la colonne vertébrale. |
Un film attachant par la sobriété de ses enjeux (venger l'ex-copine tout en prétendant vouloir protéger "maman"), même s'il recourt pour cela, paradoxalement, au spectre (arf, arf, arf) grandiloquent de l'organisation criminelle transnationale en arrière-plan. Autrement, le film est assez rondement mené, plaisant à suivre, avec les deux scènes en montage alterné qui s'élèvent au-dessus du lot. Il manque par moment une vraie folie, une frénésie que seul Paul Greengrass (un cousin éloigné de Dominic?) semble avoir trouvé pour l'instant, bien que les deux séries se retrouvent dans leur refus commun du beau plan de scène d'action prolongé, comme cela était encore la pratique dominante il y a qq années. Enfin, ce qui fait le plus cruellement défaut à cette épisode est le charme dont son prédécesseur faisait montre lors des échanges entre Craig et Green (décidément irremplaçable). Entièrement d'accord avec Luluc sur l'inspiration très bourninenne du film, mais il faut simultanément reconnaitre qu'il s'agit d'une influence mutuelle, qui a p-ê enfin opéré un aller-retour... --- Réponse au commentaire de Vincent concernant l'évolution du personnage bondien: en gros, je suis du même avis pour ce qui est des deux épisodes avec Craig. Bond est devenu un homme, l'arc narratif ne s'articulant jamais autour d'enjeux de maturation ou d'endurcissement, mais, au contraire, d'une recherche de vulnérabilité et de contrôle. Dans Casino Royale comme Quantum, le but est parvenir à rendre le corps de Bond non-létal, de faire en sorte que tout ce qu'il touche ne périsse pas (d'où la survie de l'héroïne qui, exceptionnellement, n'a pas couché avec lui) et qu'il rejoigne ainsi la sphère sociocorporelle de la masculinité positive (celle conforme à la Convention de Genève, pour le dire vite). On est en somme assez proche de personnages comme Hulk ou des comédies récentes sur le anger management... L'intérêt à ce titre était plus grand dans CR, compte tenu du fait que cette recherche de sensibilité, chevillée au développement de la relation amoureuse, allait à contre-sens de la nécessité d'endurcissement induite par la mission et la nature liquide (valves à incendie à Miami, champagne, Venise) des obstacles rencontrés. J'ai toutefois une petite réserve concernant les opus brosnaniens où, à mon sens, la jubilation pré-pubère était encore très présente. Dans ce cadre, c'est peut-être le personnage de M qui anticipe le mieux les années Craig, avec le développement de cette relation privilégiée mais tendue qui, finalement, semble maintenant aboutir au seul lien de confiance digne de ce nom: celui de la mère qui connaît son fils pcq elle l'a fait (il faut se rappeler à la fin de CR, M:"I know you were you"). En fait, les films les plus proches des deux derniers Bond sont clairement les deux daltoniens (arf, arf, arf), particulièrement Licence to Kill, dont le ton résolument sérieux avait été, à l'époque, invoqué comme cause de son échec commercial. |
Un petit film, qui devient franchement ridicule quand il cherche à se confronter à Jason Bourne (JB vs JB?). |
Quel foutage de gueule, nous disons-nous en regardant sortir, au terme de cette expérience éprouvante de la désillusion, nos camarades d'infortune, public du samedi soir qui se réjouissait, deux heures auparavant, de se replonger avec délice dans les nouvelles dimensions apportées sinon à l'univers (au fond pas si terrible que cela, ce Casino Royale empêtré dans de pénibles parties de poker…) du moins au personnage central (le regard bleuté métal du nouveau Bond, son attitude de castagneur brutal, son rapport désormais wertherien aux filles…). Ce public qui s'est fait, cette fois, baisé bien profond jusqu'à l'os par ce produit de troisième plan dénué de toute puissance graphique. Pourtant, c'est bien une telle volonté esthétique que promettait, faux-derche, une somptueuse ouverture en alternance entre d'une part l'approche graduelle d'une route de montagne en travelling avant, depuis un lac étincelant sous une lumière blafarde et, d'autre part, des vues en gros plan du véhicule bondien saisi au beau milieu d'une furieuse poursuite. Mais, à l'exception d'un superbe générique en bleu nuit virant proto-solaire sablonneux et d'une exceptionnelle séquence d'opéra (démasquage en règle depuis les coulisses d'une représentation de la Tosca, qui à la fois démonte l'élitaire société ayant assuré la continuité de cette forme de spectacle démesuré à des fins de distinction culturelle, et reprend à son compte le lyrisme fatal de l'œuvre morbide de Puccini), rien ne vient jamais sauver le film de son désintérêt profond pour l'action (un comble pour un James Bond): qu'il s'agisse d'une course à pied dans les rues de Sienne, d'aviation dans les montagnes, de hors bords à Haiti,etc… c'est le même découpage absurde dénué de tout rythme, de toute tension, de tout plaisir, un hachage même pas violent qui fleure bon l'usinage paresseux. Pour retrouver un peu de cette force lyrique, de cette poésie du rapport masculin à la technologie qui traverse une grande partie de l'œuvre bondienne, de You Only Live Twice à Die Another Day, il faut se réfugier dans quelques brefs passages transitionnels de décompensation (comme le très émouvant ralentissement sur le trajet nautique, après la récupération de la poule à Haiti, malheureusement 15 secondes montre en main; ou encore un tourbillonnant montage alterné dans un hôtel high tech en plein milieu du désert bolivien, malheureusement 15 secondes montre en main; voire le combat dans l'hôtel de Port-au-Prince, bien exécuté mais tellement calqué sur le dernier volet de la saga Bourne qu'il en devient presque ridicule, le modèle dépassé par son élève). Certes, il y a une ou deux esquisses de plan sur le regard torve d'Amalric; une ou deux visions avortées du cul irréprochable d'Olga K., mais guère plus… Bref, une petite chose, un brouillon vite expédié, un foutage de gueule quoi! ADDENDUM Pour prolonger la belle analyse de Vincent: il y a effectivement une forme de recentrage dans ce dernier opus qui tend non pas à l'épure mais bien à l'appauvrissement. Les figures du mal sont devenues insignifiantes, évasives, et surtout diffuses. Ainsi la paranoïa qui pousse le héros à remettre en question ses propres espaces de pouvoir et de référence, si bien décrite dans Die Another Day, tend-elle ici au simple saupoudrage narratif, à l'instar de nombre d'aspects de la persona bondienne. Celle-ci, comme l'explique bien Vincent, ne tient désormais en rien du surhomme nietzschéen, néo-Zarathoustra du gadget, mais s'est bel et bien mué en figure sinistre du «type tout simple». Même en «pauvre type» quand on voit l'insistance avec laquelle on campe l'évanouissement de ses valeurs sociale, via son rapport de plus en plus détaché au fantôme de l'amour absolu, à l'ami qu'on jette dans une poubelle, à la jolie fille qu'on ne saute même plus vraiment… Bond est devenu blasé, quelconque, peine-à-jouir, un clodo émotionnel en somme. D'ailleurs, on nous explique même qu'il boit pour oublier. Juste pathétique. |
Pas toujours convaincu par le montage, souvent ultradécoupé dans les séquences d'action, sans que le procédé ne restitue véritablement (comme dans Bourne Ultimatum) la fragmentation des perceptions d'un protagoniste. Mais sinon, c'est pas pire qu'un autre Bond récent. Et, contrairement à Jobin, je reste très convaincu par Daniel Craig. Absence de méchant notoire en revanche (dont le film pâtit), ce Dominic Greene étant tout de même très falot en comparaison d'autres mégalomanes (Dr. No, Goldfinger and Co.). D'un point de vue plus général, il y a nettement une direction prise par la série qui – bien qu'elle fasse toujours référence à des ennemis extérieurs – recentre de plus en plus le propos "à l'interne", que ce soit autour de la personnalité désormais maternelle de M(other) et du lien avec son "rejeton" qui doit la sauver (Quantum of solace, mais aussi, ne l'oublions pas, The World is not enough) ou bien sûr la psyché et le corps de Bond lui-même, avec le dernier diptyque, annoncé en un sens par l'axe principal de "Die another day", où Bond est "hors jeu" pendant un bon premier tiers du film. Mais c'est surtout le personnage de M qui intrigue... c'est à travers lui, et la possibilité enfin offerte de tisser un lien affectif, voire amoureux (possibilité offerte car le lien est non homoérotique, ouf) avec Bond que se marque clairement le changement, et le recentrement sur des problématiques personnelles et quasi "familiales" en somme... Dans un tel cadre, il n'est pas étonnant que l'Autre, l'ennemi, perde en consistance, car là n'est plus le véritable problème... ou plutôt l'altérité n'a plus à symboliser la menace. Le problème – à un niveau poétique et esthétique – est que, narrativement, la trame garde encore des traces de cette opposition originelle, mais comme sans y croire (car l'époque n'y croit plus... on conteste même la guerre en Irak, c'est vous dire!). Le film en perd en "mordant", et on se retrouve avec une mauviette à l'accent français qui porte des chemises souvent ridicules, et entouré de sbires efféminés, même pas retors. Et, pour CA, face à cette montée en puissance de la mère, on a en parallèle la disparition progressive (et tristement liée au décès de l'acteur ) de Q, l'incarnation de la technologie et du jeu (du joujou). Le superhomme ne peut plus s'en tirer avec une pirouette pyrotechnique et rigolote: revisionnez tous les moments où Bond utilise un de ses si bien nommés gadgets... il jubile, c'est la bombe à eau balancée du 5e étage, c'est le tour de magie exécuté avec un aimant caché dans une poche, c'est la course-poursuite sur Playstation... En fait, depuis trois ou quatre films, Bond devient... un homme? Contemplez le visage tailladé du héros et son âme meurtrie... l'insouciance don juanesque disparue ou sujette à une éclipse dans la représentation... Le surhomme et le petit garçon irresponsable se rejoignaient dans la figure originelle; ils ont tous les deux (presque) disparu maintenant. Et ensuite?... |